La mobilisation face à l’expansion des aéroports et de leurs trafics est de plus en plus fréquente(1). Evidement ce n’est pas pour des raisons planétaires mais plutôt pour des raisons locales comme les expropriations et les désagréments sonores.
Récemment, le magazine Guardian à reçu un exemplaire de traité entre l’Union Européenne et les Etats-Unis qui nous empêcheraient de prendre une quelconque mesure pour réduire l’impact environnemental de ce trafic sans l’accord du gouvernement US (2). Ceci n’est pas le premier accord de ce genre. La convention de Chicago de 1944, soutenue maintenant par 4000 traités bilatéraux(3), impose qu’aucun gouvernement ne puisse taxer le fuel aérien. Les compagnies aériennes ont été nourries au biberon tout au long de leur vie.
Le développement d’aéroports est un domaine dans lequel « les règlementations peuvent se faire indépendamment des autres pays »(4). Il est donc tout à fait envisageable de maintenir ou réduire l’accroissement des vols par une restriction des capacités aéroportuaires. Evidement c’est exactement l’inverse qui se produit. Une troisième piste est en cours de construction à Heathrow, et des extensions similaires sont en cours à Stansted, Birmingham, Edinburgh et Glasgow(5). Douze autres aéroports ont déjà annoncé des plans d’extension(6). Selon « the House of the Commons Environmental Audit Committee », l’accroissement prévu par le gouvernement nécessitera « l’équivalent d’un nouvel Heathrow tous les 5 ans »(7).
Un tiers du transport international de passager transite par l’Angleterre. Le nombre de passager a été multiplié par cinq au cours des 30 dernières années(9). Le gouvernement prévoit qu’il aura plus que doublé pour 2030 pour arriver à 476 million de passagers par an(10). Le mot « prévoir » est probablement mal choisi. En offrant une telle capacité, le gouvernement s’assure effectivement d’une croissance certaine, rien de plus.
Tout le monde semble assez conscient de l’impact du trafic automobile ou de l’industrie sur le climat, par contre on ignore assez bien l’influence du trafic aérien. Et pourtant ces effets sont loin d’être négligeables. Ceci provient du fait que c’est la plus rapide source d’émission de gaz à effet de serre et que ces gaz sont directement libérés dans la haute atmosphère. Il en résulte que l’effet de serre des émissions aériennes est 2.7 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone seul (11). La combustion du carburant aérien libère entre autre de l’oxyde d’azote et de la vapeur d’eau. L’oxyde d’azote détruit la couche d’ozone. La vapeur d’eau forme des cristaux de glace dans la haute atmosphère (cirrus) qui capturent la chaleur terrestre. Selon les estimations du « Tyndall Centre for Climate Change Research », si vous additionnez l’effet du CO2 et celui de la vapeur d’eau (avec précaution car ils ne sont pas directement comparables), les émissions aériennes seules dépasseraient de 134% l’objectif du gouvernement pour l’émission globale de gaz à effet de serre en 2050(12). Le gouvernement à une technique infaillible pour traiter ce genre de problème. Les émissions du trafic aérien international sont tout simplement exclues de l’objectif.
A cet égard, dans l’état actuel des connaissances, il apparait impossible de concilier développement durable et croissance du trafic aérien. S’il y avait une réelle volonté, toutes les autres sources du réchauffement planétaire pourraient être remplacées ou réduites sans véritablement affecter notre liberté. Par contre, il n’existe aucune solution viable à long terme pour les moyens de transports à grandes vitesses.
Pourtant l’industrie clame qu’elle peut réduire ses émissions au moyen de nouveaux développements technologiques. Mais comme la Commission Royale sur la Pollution Environnementale le fait remarquer, ce but reflète plus un souhait plutôt qu’une réalité future(13). Il y a quelques contraintes technologiques basiques qui rendent toute amélioration substantielle impossible à envisager. Le premier problème réside dans le fait que nos avions ont une durée de vie remarquablement longue. Le Boeing 747 vole depuis 36 ans. Le “Tyndall Centre” prévois que le nouvel airbus A380 volera encore en 2070(14). Passer à des modèles plus efficaces représente un coût trop important.
Certains ingénieurs ont envisagé des avions à ailes creuses dans lesquelles les passagers prendraient place. La consommation de carburant pourrait ainsi être réduite de 30%. Mais la question de sécurité et de stabilité de ces avions est loin d’être prouvée(15). C’est pourtant l’idée la plus prometteuse actuellement. Comme le Conseil Consultatif pour la Recherche Aéronautique en Europe l’a dit, « dans l’état actuel des connaissances, les 10 prochaines années ne seront pas marquée par des progrès majeurs en la matière »(16). Et si l’efficacité s’améliore effectivement, cela ne résout pas nécessairement le problème. Les avions plus efficaces ont tendance à être plus bruyant (17) et à produire plus de vapeur d’eau (18). Même si la promesse de réduction de consommation de 30% pouvait être atteinte, elle n’annulerait seulement qu’une fraction du carburant supplémentaire causé par une demande toujours croissante.
Les compagnies aériennes continuent de parler d’avions fonctionnant à l’hydrogène mais, même si les problèmes techniques étaient résolus, le désastre serait encore plus important qu’avec les avions actuels. Comme la Commission Royale l’annonce : « passer du kérosène à l’hydrogène remplacera le dioxyde de carbone par un accroissement trois fois supérieur en vapeur d’eau »(19). L’usage de bio fuels nécessiterais plus de terre arable que la planète n’en possède(20). Le gouvernement Britannique admet qu’ « il n’y a actuellement pas d’alternative viable au kérosène comme carburant aérien».
Les nouvelles données de consommation de carburant tant pour des trains ou des bateaux à très grande vitesse évoquent des émissions de carbone comparables à celles des avions(22). Tout cela signifie que si nous voulons mettre un terme au réchauffement terrestre, il nous faut cesser nos déplacements à des niveaux de vitesses largement supérieurs à ceux que la planète peut supporter.
Malgré une forte démocratisation des prix, c’est encore ceux qui ont un grand pouvoir d’achat qui voyagent le plus. Les gens possédant une seconde résidence à l’étranger prennent en moyenne 6 vols aller-retour par an (24), alors que ceux qui n’ont pas les moyens ne seraient responsables que de 6% des vols (25). La majeure partie de l’accroissement du transport de passagers prévu par l’Etat proviendra des 10% les plus riches (26). A contrario, ceux qui seront le plus violement affectés par les changements climatiques feront partie des plus pauvres. Déjà, d’après des climatologues, les sécheresses actuelles en Ethiopie, causant la mort de million de personnes, sont associées à l’accroissement de température de l’Océan Indien(27). Près de 92 millions de Bangladeshi pourraient devoir quitter leurs terres au cours de ce siècle(28) juste pour nous permettre de faire nos courses à New York.
Voler tue. Nous le savons tous, et nous le faisons tous. Et, à moins d’une prise de conscience solidaire, nous ne cesserons de le faire que quand les gouvernements reverront leurs politiques et commenceront à fermer des aéroports.
[Traduit du texte We Are All Killers de George Monbiot]
References:
1. John Vidal, 20th February 2006. Heathrow protesters seek help of direct action group. The Guardian. And see http://www.planestupid.com/
2. Andrew Clark, 20th February 2006. ‘Open skies’ air treaty threat. The Guardian.
3. Royal Commission on Environmental Pollution, 29th November 2002. The Environmental Effects of Civil Aircraft in Flight. Special Report.
4. Department for Transport, December 2003. The Future of Air Transport. White paper.
5. John Vidal, ibid.
6. ibid.
7. Select Committee on Environmental Audit, 10th March 2004. Third Report. http://www.publications.parliament.uk/pa/cm200304/cmselect/cmenvaud/233/23305.htm#a5
8. Department for Transport, ibid.
9. ibid.
10. Select Committee on Environmental Audit, ibid.
11. Intergovernmental Panel on Climate Change, 2001. Aviation and the Global Atmosphere. http://www.grida.no/climate/ipcc/aviation/064.htm
http://en.wikipedia.org/wiki/Contrail
http://www.atmosphere.mpg.de/enid/Le_climat_en_quelques_mots/-_La_haute_atmosph_re_402.html
12. Alice Bows, Paul Upham, Kevin Anderson, 16th April 2005. Growth Scenarios for EU & UK Aviation: contradictions with climate policy. Tyndall Centre for Climate Change.
13. Royal Commission on Environmental Pollution, ibid.
14. Tyndall Centre for Climate Change, 2005. Decarbonising the UK - Energy for a Climate Conscious Future.
15. Royal Commission on Environmental Pollution, ibid.
16. Cited by the Select Committee on Environmental Audit, ibid.
17. Royal Commission on Environmental Pollution, ibid. Paragraph 4.22.
18. Thematic network of the European Commission on Aircraft Emissions and Reduction Technologies, 27th November 2000. Report on the European Workshop “Aviation, Aerosols, Contrails and Cirrus Clouds” (A2C3), Seeheim near Frankfurt/Main. http://www.aero-net.org/a2c3/a2c3_summary.pdf
19. Royal Commission on Environmental Pollution, ibid.
20. See http://www.monbiot.com/archives/2004/11/23/feeding-cars-not-people/
21. Department for Transport, ibid.
22. I have draft figures from Roger Kemp at the University of Lancaster and George Marshall of the Climate Outreach Information Network, which I will publish in Heat: how to stop the planet burning, in September.
23. Mori poll conducted for Freedom to Fly MORI Poll, January 2002. Cited by Friends of the Earth et al, in Aviation: the plane truth. http://www.foe.co.uk/resource/factsheets/aviation_myths.pdf
24. HACAN/Clear Skies, 2005. Cited by Transport 2000 in Facts and figures: aviation. http://www.transport2000.org.uk/
25. Civil Aviation Authority, 2004. Cited by Transport 2000 in Facts and figures: aviation. http://www.transport2000.org.uk/
26. Department for Transport, Cited by Friends of the Earth et al, in Aviation: the plane truth. http://www.foe.co.uk/resource/factsheets/aviation_myths.pdf
27. James Verdin, Chris Funk, Gabriel Senay and Richard Choularton, 2005. Climate science and famine early warning. Philosophical Transactions of the Royal Society, doi:10.1098/rstb.2005.1754.
28. eg http://www.independent-bangladesh.com/news/jan/17/17012005mt.htm#A3