Qui souhaite des fraises ou des raisins en hiver ? Peut-être pas vous, mais si l’argument temporel n’a pas forcément prise sur certains d’entre nous, l’argument spatial peut l’avoir beaucoup plus en citant par exemple la consommation d’ananas, de bananes, de kiwis ou de fleurs exotiques à offrir. Outre cette incohérence spatiale et temporelle, il y a aussi le fameux duo quantité, qualité. La quantité est l’argument de poids de l’industrie agroalimentaire lorsque nous osons mettre en doute sa légitimité. Produire bio ? Vous n’y pensez pas, vous n’aurez pas les mêmes rendements ! Meilleurs rendements, certainement, mais à quel prix, pourquoi et pour qui ? (1).
Quant à la qualité, nous sommes les principaux responsables. Nous préférons une belle pomme bien colorée et bien calibrée toute droite sortie d’un Walt Disney, plutôt qu’une pomme blafarde légèrement piquée. Aujourd’hui, dans notre société du beau et du parfait, promue par la publicité, l’aspect qualitatif extérieur revêt la plus grande importance. Des spots halogènes éclairent nos fruits et légumes pour en faire ressortir leur aspect éclatant et bien portant. Mais sommes-nous en mesure de les qualifier de “Phénix des hôtes des terres agricoles” à la manière du renard de la Fontaine qui flatte le corbeau après avoir comparé son plumage à son ramage ? Autrement dit, les qualités externe de nos fruits et légumes équivalent-elles leurs qualités gustatives ou sanitaires ? En ce qui me concerne, et je ne pense pas être le seul à le penser, “rien ne vaut une bonne tomate du jardin ou de papy”. Cette affirmation vaut pour le goût mais aussi pour les qualités nutritives et non toxiques des aliments bio. Une récente étude à révélé une concentration moyenne de 41 substances chimiques dans le sang de nos députés. http://www.surlering.com/pdf.php/id/4194
Par ailleurs, concernant l’argument quantitatif, la FAO a également publié un rapport précisant que l’agriculture bio pouvait subvenir aux besoins de la population mondiale. http://www.fao.org/organicag/default-f.htm
C’est non seulement une bonne nouvelle pour le climat mais c’est aussi une excellente nouvelle pour notre santé et pour la santé planétaire car, faut-il le dire, l’agriculture et l’élevage industriel sont les responsables numéro un des grands problèmes écologiques actuels (25% des gaz à effets de serre + pollution eau, terre et air). http://terresacree.org/devore.htm
Evidemment il y a une pression démographique à laquelle il faut répondre mais ce ne sera certainement pas avec la tendance actuelle qui promeut l’exode rural, la surconsommation et l’industrie.
Il faut en réalité prendre le contrepied de cette tendance en promouvant le local, le frugal et l’ancestral. Mais avant d’en arriver à ce stade, à moins d’un coup de baquette magique, il faudra passer par une crise économique et financière majeure qui mettra à genoux ou qui apportera raison et sagesse aux grands Goliath industriels contemporains liés au monde agricole : l’industrie pétrochimique, l’industrie agroalimentaire, l’industrie biotechnologique et enfin le maître incontesté, la finance.
Concrètement, que peut-on faire à notre niveau ? Achetez local chez des petits producteurs. Et contrairement à ce que beaucoup pensent, ce n’est pas plus cher que les produits de marque d’une grande surface. Evidement si vous achetez du bio des grandes surfaces c’est mal parti. Les grandes surfaces ne voient en effet dans le bio qu’un argument commercial de plus et non une façon respectueuse de produire ou une façon saine de consommer. Sachez reconnaitre le vrai bio du faux. Un vrai bio est exempt de produits chimique et n’a pas fait des kilomètres pour être transformé et acheminé. Le commerce équitable est certes plus équitable que le commerce classique mais il n’en reste pas moins un substitut de mondialisation pour nous donner bonne conscience. Le commerce équitable privilégie la grande distribution et quelque part, empêche l’émergence d’initiatives saines, plus proches de chez nous. De plus, s’il est équitable, il n’est pas forcément écologique ou équitable pour les autres producteurs du même continent qui tentent, eux aussi, de tirer leur épingle du jeu. http://www.societal.org/docs/58.htm
(1) L’industrie agroalimentaire est très largement dépendante de deux ressources rares en passes de devenir encore plus rares : l’eau et le pétrole. Pour le pétrole d’accord me direz-vous puisque cette industrie travaille en étroite collaboration avec l’industrie pétrochimique via les épandages (avions ou tracteurs mu au pétrole) d’engrais et de pesticides (produit dans des usines chimiques dépendant du pétrole). Mais pour l’eau ce n’est pas le cas puisque pour produire bio il faut aussi de l’eau. He bien détrompez-vous ! L’industrie agroalimentaire travaille aussi en étroite collaboration avec l’industrie biotechnologique ventant les mérites de ces trouvailles génétiques. Nos variétés sont plus productives et plus résistantes disent-ils. Elles sont en effet plus productives, parfois 5 à 10 fois plus (blé ou riz à plusieurs rang), mais elles sont aussi beaucoup plus gourmandes en eau, parfois 5 à 10 fois plus aussi ! C’est ainsi que des variétés mexicaines ou américaines de maïs ou de blé particulièrement résistantes à la sécheresse se sont vue voler la vedette par ces nouveaux clones gourmands. Et pour la reproduction, la résistance aux maladies ou à la sécheresse, le tableau n’est pas plus réjouissant, il est même assez souvent noir !
Ok, l’argument OGM vaut pour les Etats-Unis, l’Amérique Latine, certains pays d’Afrique(2) ou d’Asie(3) mais pas encore chez nous en Europe ! Quoique, ces chimères génétiques ont déjà largement pointé le bout de leur nez en France, en Italie ou en Espagne pour ne citer qu’eux. Cependant, même sans OGM, cultiver la terre de façon industrielle et intensive sera toujours plus toxique et nocif pour nous et l’environnement qu’une culture biologique. Cette dernière est effectivement moins productive mais elle est plus saine, plus respectueuse de l’environnement et du sol, plus résistante et moins gourmande. Avec les pratiques mécaniques et chimiques de l’agriculture industrielle, les sols se tassent, s’érodent et s’appauvrissent en eau et en éléments nutritifs. Une terre fertile et saine peut compter 150 à 400 vers de terre par mètre carrés. Par comparaison, une terre maltraité par l’agriculture industrielle toxique n’en contiendrait plus que un à trois, soit 130 fois moins, alors qu’ils sont la clé de la fertilité des sols !
Alors que l’agriculture industrielle est fondée sur la productivité et le rendement, l’agriculture biologique est fondée sur le respect et l’humilité. C’est bien beau, dites-vous, mais on ne va pas très loin avec cela. A ces mots, je dirais au contraire qu’on va très loin, beaucoup plus loin qu’avec ce que nous connaissons aujourd’hui qui n’a qu’une vision de gains à court terme et qui ne respecte ni la Vie, ni la Terre, ni l’Eau, ni rien du tout si ce n’est notre portefeuille et une vision égocentrique et tronquée du monde.
(2) http://www.penserpouragir.org/spip.php ?article159
(3) http://www.infosdelaplanete.org/1155/le-piege-meurtrier-du-coton-ogm-indien.html
Voir en ligne : Liberterre