La vente de cigarette a lourdement chuté durant le premier semestre 2008. Si c'est une bonne nouvelle pour la santé des belges, c'en est une bien mauvaise pour les caisses de l'Etat, qui voient ainsi les recettes TVA et accises accuser une chute de plus de 35 millions d'euros…
Le tabac s'écrase partout
Les cigarettes se vendent moins
765 millions de cigarettes vendues en moins
Pour reprendre l'expression de Patrick VIVERET, c'est là également un exemple éclatant d'une comptabilité économique fondée sur le "mal-être". Ci-dessous, quelques passages clés du début du rapport de Patrick VIVERET, reconsidérer la richesse. Voir aussi sur ce blog: Sortir du mode de l'avoir.
Imaginez. Imaginez qu'aucun accident de la route ne se produise pendant une année. Aucun dégât matériel ou corporel, aucun mort, aucun blessés sur les routes pendant une année... Eh bien, le PIB (le Produit Intérieur Brut - somme des "valeurs ajoutées"), notre seul et unique indicateur de richesse, chuterait dramatiquement. Nous perdrions une ou plusieurs places dans le classement des puissances économiques. Nombre d'économistes épiloguerait sur le retour d'une grave crise économique.[...]
Des accidents de la route à l'amiante, de la vache folle aux marées noires, des inondations aux crises de l'énergie, d'aucuns se prononceraient pour dire qu'il s'agit là de bien mauvaises nouvelles! En fait il n'en rien, toutes ces catastrophes et destructions sont toujours comptabilisées de manière positive.[...]
Par contre, toutes les activités bénévoles, qui ont permis d'éviter ou de limiter une partie des effets de ces catastrophes, par exemple en allant nettoyer les plages polluées ou en aidant gratuitement des handicapés, n'ont, elles, permis aucune progression de richesse et ont même contribué à faire baisser le produit intérieur brut.[...]
Malgré de grandes déclarations de principe, notre société facilite beaucoup plus le "lucra-volat", la volonté lucrative, que le bénévolat, la volonté bonne; et il arrive trop souvent que ce que l'on pourrait appeler le "male-volat" ou volonté mauvaise, sous ses formes diverses, bénéficie de l'argent des contribuables comme en témoignent entre autre, les pactes de corruption en vue de détourner les marchés publics.[...]
Rien n'indique mieux la transformation des moyens en fins, au cœur de l'économisme, que le fait de considérer le désir de gains monétaires, l'activité lucrative, comme un objectif se suffisant à lui-même. Et le symptôme majeur de la dérive vers des "sociétés de marché" se lit quand les outils de mesure de la monnaie, envahissent l'ensemble du champ sociétal jusqu'à faire de la totalité du temps de vie ce que les américains nomment le "life time value", un réservoir potentiel pour la marchandisation de toutes les activités humaines.[...]
Il est donc plus que temps de nous atteler à ce chantier considérable du changement de représentation de la richesse et de la fonction que joue la monnaie dans nos sociétés. C'est pour l'économie sociale et solidaire un enjeu décisif et pour le mouvement associatif une occasion à saisir. Ils s'inscrivent en effet dans une histoire où le choix de la coopération, de la mutualisation, de l'association se veut prioritaire. C'est pour eux un piège mortel que de laisser s'imposer des critères qui ignorent les enjeux écologiques et humains et valorisent des activités destructrices dès lors qu'elles sont financièrement rentables. Il leur faut, au contraire reprendre l'initiative et être aux premiers rangs de l'émergence d'une société et d'une économie plurielle face aux risques civilisationnels, écologiques et sociaux que véhicule "la société de marché". C'est à dire une société ou l'économie marchande en vient à subordonner, voire à absorber les autres fonctions majeures du lien sociétal que sont le lien politique, affectif et symbolique. [Karl POLANYI dans "la grande Transformation"].
Comment sortir des logiques guerrières, la dernière publication de Patrick VIVERET vaut également le détour (Edition Rue d’ULM - 5 € – 56 p. – ISBN 978-2-7288-0403-0). Ci-dessous, deux paragraphes que j'ai trouvés particulièrement éloquent.
« Il y a suffisamment de ressources sur cette planète pour répondre aux besoins de tous, mais il n’y en a pas assez s’il s’agit de satisfaire le désir de possession ». Cette fameuse phrase prononcée par Gandhi peu de temps avant sa mort est formidablement actuelle. Le désir est illimité, à la différence du besoin, autorégulé par la satisfaction. Comme le démontrent les 225 personnes dont le revenu cumulé équivaut à celui de 2,5 milliards d’êtres humains, chiffre officiel des Nations unies.
Les échecs de l’autorégulation du libéralisme et de la planification du socialisme ont confirmé que d’un point de vue anthropologique nous ne sommes pas seulement des êtres de besoin, mais aussi de désir et d’angoisse. L’énergie du désir est sans commune mesure avec celle du besoin et, seule, nous permet, au sens propre et au sens figuré, de déplacer des montagnes. Si on place ce désir dans l’ordre de l’avoir, cela va engendrer une situation de rareté artificielle considérable entretenue par le fait que le désir de richesse ou de pouvoir des uns ne peut se réaliser qu’au détriment de celui des autres.
Mieux? Il y a par exemple:
IDH: Indicateur de Développement Humain
IPH: Indicateur de Pauvreté Humaine
BNB: Bonheur National Brut