Didier REYNDERS a été réélu à la tête de son parti. Réponse du p'tit Didier à la question: Libéralisme et régulation ne sont-ils pas contradictoires?
"Le libéralisme est une philosophie politique alors que le capitalisme est un outil. Il faut le contrôler. Les libéraux l'ont toujours dit. Cette économie de marché à permis de créer le plus de richesse. C'est grâce à elle que la Belgique a pu consacrer plus d'argent en coopération au développement, que la sécurité sociale existe. Si un autre système pouvait en faire autant, ça se saurait. Il en va de même avec la démocratie. Ce n'est pas parce qu'une majorité absolue a fait n'importe quoi à Charleroi qu'on va supprimer les élections quand même!"
Cette réponse me semble en parfait accord avec un passage à propos du capitalisme et du marché sur le débat des propositions de Frédéric LORDON (voir article précédent) sur le blog de Paul JORION. Passage que j'ai souhaité relever dans ce blog car très instructif. Parmi les 4 personnes de l'échange, il y a bien sûr Paul JORION mais aussi Jean-Jégu dont le site est Argent et Société.
Après avoir lu cet échange, vous constaterez que le p'tit Didier n'a pas tout a fait tort, comme souvent d'ailleurs et souvent avec un aplomb incroyable! C'est ce qui fait sa force. Aussi filou que doué, il faut s'en méfier comme les eaux calmes du Loch Ness. Didier c'est aussi l'homme aux multiples cadeaux fiscaux aux plus gros capitalistes Belges et étrangers qu'il dit "contrôler". Didier, c'est aussi le principal instigateur des intérêts notionnels!
A lire:
* La galaxie Frère, Dexia-Winthertur, Axa, Fortis, ING… Les copains d'abord
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* Question d’un grand syndicaliste belge: qu’est-ce que les Intérêts Notionnels ?
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* Budget : Les intérêts notionnels menacent les finances publiques
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Mais revenons à ce fameux échange sur le blog de Paul JORION:
Jean-Paul dit :
29 septembre 2008 à 14:36
@Paul Jorion
On lit de plus en plus d’analyses et de diagnostics très pertinents sur la crise actuelle, mais je trouve curieux que les esprits critiques et brillants qui les conduisent n’aillent pas toujours au bout de leur raisonnement : comme disent les économistes,- à juste titre pour une fois -, le marché est de loin « la moins pire des solutions », au moins pour tous ceux qui considèrent qu’un minimum de transparence et d’égalité de traitement entre les acteurs de la vie économique est une chose souhaitable ; La spéculation est finalement son pire ennemi car, pour établir les prix, elle substitue une sorte de joyeux « n’importe quoi » ésotérique, souvent fondé sur la rumeur et l’approximation, à la saine confrontation « démocratique » aussi transparente que possible entre l’offre et la demande. Si l’on veut éviter les dérives spéculatives, il faut simplement commencer par interdire toute forme de rémunération, - qu’elle soit personnelle ou « corporate » -, dont le volume soit lié directement aux volumes des écarts de cours, qu’il s’agisse de gains ou de pertes, et, au contraire, rémunérer au maximum quand le « cours » reste stable.
Cette refondation des mécanismes qui régissent les marchés en général et le marché financier en particulier, est d’autant plus urgente que le développement durable étant in fine une machine sédentaire extrêmement couteuse destinée à réduire les aléas, - qui, schématiquement substitue aux outils rustiques et peu couteux de cueillette, une infrastructure de production -, il est sans doute pour le moins illusoire d’espérer que le système actuel peut le promouvoir sérieusement car, vivant de spéculation sur la rareté et l’extrême mobilité, il sait très bien que ce modèle de développement a pour objectif ultime de tuer sa poule aux œufs d’or.
Jean Jégu dit :
29 septembre 2008 à 17:34
@ Jean-Paul
“Comme disent les économistes,- à juste titre pour une fois -, le marché est de loin « la moins pire des solutions », au moins pour tous ceux qui considèrent qu’un minimum de transparence et d’égalité de traitement entre les acteurs de la vie économique est une chose souhaitable”
A mon avis il ne faut pas confondre “marché” et “capitalisme”.Le marché existe depuis bien plus longtemps que le capitalisme. On peut, me semble-t-il, être farouche partisan des marchés (des biens et services réels) et aussi vigoureusement anticapitaliste. Certes il faut être reconnaissant à celui qui vous prête un outil et se faire obligation de lui rendre en aussi bon état que quand il vous l’a prêté, fusse-t-en lui en procurant un neuf. Mais on peut trouver anormal qu’il exige en retour 30 % du résultat de votre travail. D’autant qu’il est parfois légitime de s’interroger aussi sur la manière dont il s’est procuré le dit outil et pourquoi vous n’arrivez pas à en faire autant.
Revoir le commentaire de Paul Jorion sur les propos du Président Sarkosy (rue89, jeudi 25 septembre à 18:30) :
“La crise actuelle n’est peut–être pas la crise ultime du système économique fondé sur le marché, mais c’est très certainement une crise du *capitalisme* : le « capitaliste », c’est celui qui apporte le capital, c’est–à–dire l’investisseur. La spéculation est en train de tuer l’économie et également le système des marchés, mais elle est malheureusement au cœur-même du capitalisme : la spéculation, c’est la méthode-même du capitaliste.”
Jean-Paul dit :
29 septembre 2008 à 19:22
@ Jean Jegu
Tout a fait d’accord. Le capitalisme est une forme de totalitarisme comme une autre, qui n’a pas beaucoup de sympathie pour le marché, et fait même le plus souvent son possible pour l’éliminer au profit de monopoles ou d’oligopoles bien tenus. Les néolibéraux ont réussi à faire admettre l’amalgame entre les notions d’économie de marche et de capitalisme, au point que l’on ne peut plus critiquer le monopole des grandes sociétés sans être accusé aussitôt d’antilibéralisme primaire, ce qui est un comble.
Je crains que les tenants du capitalisme pur et dur ne profitent des difficiles mais nécessaires mutations actuelles et la peur panique qu’elles inspirent au plus grand nombre pour tenter de mettre en place un capitalisme régulé construit sur le modèle bien connu : « les bénéfices sont privés, mais les déficits qui les financent sont publics ». L’exemple du « bail out » américain n’a rien de rassurant de ce point de vue. Il me semble qu’il y a au moins deux préalables essentiels pour ramener le calme sur des marchés dignes de ce nom:
Mettre fin a leur régulation spéculative, que je mentionnais dans ma remarque précédente,
Limiter la monnaie à son rôle transactionnel ; la monnaie n’aurait jamais du devenir un outil de création de valeur en soi. Il est totalement anormal qu’un grand groupe industriel gagne plus d’argent en gérant au mieux sa trésorerie qu’en faisant bien son travail d’industriel, et assez scandaleux que les virtuoses de la « Finance » qui obtiennent ces brillants résultats fassent l’objet d’un traitement comparable a celui des vedettes du monde du spectacle. Quoique….. Après tout, il n’est peut-être pas illogique que les vendeurs de rêves tarifés au prix fort soient tous traités sur un pied d’égalité.
Pierre-Yves D. dit :
29 septembre 2008 à 23:26
@ Paul Jorion, Jean Jegu,
Vous ne trouvez pas tout de même que la distinction entre marché et capitalisme est toute théorique si l’on examine le marché et le capitalisme réellement existants ?
S’agissant du marché, comme dirait Weber, il s’agit plus d’un idéal type que d’une réalité. Dire qu’il faut réintroduire un peu de transparence ne change les choses que de façon superficielle. Il y a longtemps que le marché n’a plus aucune transparence, tout au moins si l’on s’en tient à la conception libérale du marché.
Le marché, du point de vue du libéralisme économique, dans son sens le plus basique, et duquel a dérivé la conception économique classique synthétisée par Adam Smith, c’est un lieu d’échange unique, primitivement le marché local, lieu physique, où différents acheteurs et vendeurs s’échangent des produits et services et en déterminent le prix en toute transparence, les différents agents connaissant tous les autres. Évidemment l’image qui revient c’est celle du commissaire priseur. Par extension Le Marché a désigné l’ensemble des marchés, plus ou moins coordonnés, et supposés s’autoréguler, et c’est une grande partie de la réflexion économique de Smith.
Le problème c’est que cette vision des choses est une vue de l’esprit, car si du temps d’Adam Smith les différents acteurs économiques pouvaient avoir une connaissance relativement exacte de l’état du marché, les marchés demeurant relativement locaux, producteurs, travailleurs et consommateurs occupant des espaces géographes relativement homogènes, avec l’essor du capitalisme et la Révolution industrielle qui lui était associé, la transparence et l’égalité ont vite disparu. Les économies nationales étaient mises en concurrences, et le colonialisme n’était pas le moindre facteur des distorsions. Cette distorsion apportée à l’idée primitive de marché fut d’ailleurs justifiée et en germe dans le propos même de Smith lorsque celui-ci introduisait l’idée de la division du travail. En effet, la division du travail au sein des entreprises fait des travailleurs une simple force de travail. Et, détail crucial, une force de travail disponible sur le marché, le marché du travail.
Plus tard Ricardo introduira la division internationale du travail. Il s’agira alors d’optimiser l’allocation des facteurs de production en fonction des spécificités et opportunités qu’offrent les différentes économies.
Un marché défini en termes de libéralisme n’est pas incompatible avec le capitalisme pour la bonne raison que la transparence revendiquée y est fondamentalement impossible. Il est en effet impossible aux différents agents économiques de connaître les motivations, les plans, des concurrents car l’analyse classique surdétermine le rôle de l’entreprise et fait ainsi l’impasse sur les ressorts humains, sociaux, pour expliquer le développement économique, et donc l’évolution des marchés. L’économie classique est calquée sur le modèle newtonien, linéaire, le chaos, la rupture est son impensé. Si les agents économiques sont capables d’anticiper rationnellement les mouvements de la production c’est que la concurrence a disparu, comme dans le capitalisme d’État soviétique, à l’économie planifiée.
Libéralisme et capitalisme n’ont pas évolué de façons autonomes. Le capitalisme n’a cessé de dicter sa loi au libéralisme. Et le libéralisme en retour a fourni l’idéologie du capitalisme, du moins en occident. Le principe même du libéralisme économique fondé sur l’idée de concurrence libre et non faussée est une contradiction dans les termes (Si seulement Didier et tous les libéraux pouvait intégrer cela). En effet, dès lors qu’il y a liberté économique, c’est à dire d’entreprendre, de commercer, de produire, les capitalistes vont n’avoir de cesse d’essayer d’éliminer leurs concurrents, de capter les marchés à leurs profits. D’où rapidement la formation de monopoles, oligopoles, ententes. Mais, alors, on objectera peut-être, c’est le rôle de l’État que de fournir aux entrepreneurs un cadre juridique, institutionnel permettant de garantir l’égalité, la concurrence. On retombe alors dans la contradiction puisque le libéralisme se prétend fondé sur la liberté d’entreprendre. Dès qu’il y a un cadre juridique, des arbitrages qui sont rendus, de la liberté il ne demeure plus que le nom. Dans une économie mondialisée la chose est encore plus évidente. Des réglementations trop strictes livrent l’économie nationale à la concurrence, distordant alors le marché au profit des investisseurs ou exportateurs extérieurs. Voir aussi sur ce blog "DOGME 6: libre expression de la concurrence".
Pour aborder la période contemporaine proprement dite, me semble très intéressantes les réflexions du philosophe Bernard Stiegler sur l’hyper capitalisme. Elles précisent la signification de ce que représente le marché dans le système capitaliste d’aujourd’hui. Si l’on considère que le marché est à l’interface entre producteurs et consommateurs, on peut dire que le marché où producteurs et consommateurs forment un milieu associé (Internet dans le domaine de la télécommunication en est un exemple emblématique) tend à s’amenuiser comme peau de chagrin. Le modèle fordiste - avec toutes ses tares - était à cet égard une certaine forme d’économie associée. Producteurs et consommateurs formaient un ensemble économique homogène. Or, depuis quelques décennies le marché tend à devenir l’interface d’une opération de dissociation entre production et consommation. Le temps nécessaire pour l’appropriation culturelle des objets mis en circulation tend à disparaître. Les objets sont conçus de telle façon que l’on puisse les utiliser de façon durable et surtout aliènent le consommateur en raison de leur possibilités limitées d’avoir un usage social et-ou créatif. Une autre caractéristique de l’hyper capitalisme est que l’on vend plus des services que des marchandises. Des compétences, même basiques, qui jusque là étaient du ressort de la culture personnelle deviennent des services marchands. L’usager perd alors son savoir-faire.
Le marché est en définitive le lieu - parfois virtuel - où s’exerce un contrôle, une manipulation des consommateurs, via la publicité, le marketing et les industries du spectacle et de la culture. La grande affaire du capitalisme industriel n’est plus alors de produire des travailleurs qui consommeront mais de produire en aval les modes de vie le plus aptes à répondre aux besoins du capital. Le concept de société de marché prend alors ici tout son sens.
D’une certaine façon l’hyper capitalisme industriel — l’industrie financière mis à part — a résolu le problème des anticipations rationnelles puisqu’il a pris le contrôle des esprits, et même, ajoute Bernard Stiegler, au lieu d’exploiter la libido des consommateurs, il en vient désormais à exploiter les pulsions après avoir comme épuisé le filon de la libido. Ce qui devrait d’après le philosophe conduire à l’autodestruction du capitalisme. Cet auteur indiquait par ailleurs que le renoncement au développement anarchique et démesuré de la finance, le véritable principe directeur du capitalisme actuel, était la condition sine-qua-non pour entamer toute réforme du capitalisme, en attendant d’aller vers un autre modèle économique.
Autant dire que dans ces conditions, du marché, il ne reste que les apparences : les flux de capitaux, de marchandises et de services. Les êtres humains libres et égaux deviennent eux les jouets, les proies d’un capitalisme sans vergogne qui, de fait, opérationnellement, réduit toute dimension humaine, sociale, culturelle, politique, au simple calcul de l’intérêt. La tempête financière qui souffle actuellement sur le capitalisme ouvrira-t-elle quelques brèches par lesquelles un peu plus de démocratie s’introduira dans un système où les êtres humains sont devenus les esclaves d’une certaine vision du monde, d’un type d’économie qui a colonisé tous les secteurs de la vie?
Bref, à la distinction marché capitalisme, à mon sens peu opérante, ne faudrait-il pas subtituer la distinction démocratie capitalisme ?
Le capitalisme a absorbé a son profit l’idée de marché mais c’est à reculons que la démocratie y a fait son entrée et la plupart du temps elle en a surtout été l’ennemie, comme vous le dites Paul Jorion en assimilant capitalisme et totalitarisme.
La réalité la plus ordinaire est que la démocratie s’arrête aux portes du monde des entreprises. Nous sommes tellement habitués à l’idée que la démocratie c’est le système républicain et parlementaire que nous oublions cette évidence.