Pourquoi vouloir faire de Fortis un GRAND groupe? Pourquoi ne pas ravaler son orgueil et revenir au métier de base d’une banque ? Une banque centrée sur le client et le service et pas sur le profit. Une banque qui se contente de marges raisonnables et qui privilégie les communautés locales. Une banque un peu à l'image de la CGER avant privatisation et rachat par Fortis.
Dans un entretien(1) Rik VAN BEVER, ex-dirigeant du puissant syndicat CGSP de la CGER, affirme qu' « en trois ans, Fortis a récupéré en profits deux fois le prix d’achat de la CGER (3 milliards d’euros). »
Rik VAN BEVER précise également:
* Les banques privées exigent des rendements de 10 ou 15 %, la CGER se contentait de 2 ou 3 %.
* Elle ne proposait pas des produits toxiques, mais de bons produits comme les carnets d’épargne, les comptes universels (comptes à vue), les bons d’épargne, les prêts hypothécaires…
* A l’origine, la CGER n’avait pas d’agences. L’épargne populaire, par exemple, était collectée par le biais des bureaux de poste.
* La CGER accordait aussi plein de subsides aux universités, aux hôpitaux, au Fonds de la recherche contre le cancer… Idem pour le personnel, il y avait un service social, avec des médecins et des dentistes qui vous soignaient au sein même de l’entreprise. Et si vous alliez à l’hôpital, la facture était remboursée à 90 %.
Alors, pourquoi avoir privatisé cette banque???
C'est pour des raisons idéologiques que l'Europe dans un accès de puissance et de grandeur a poussé à ce genre de pratique, sous prétexte que la sécurité sociale et les finances n'y survivraient pas: « Philippe MAYSTADT(ministre des Finances PSC) disait que l’État avait besoin de l’argent de cette vente pour réduire la dette de l’État afin de respecter les normes de Maastricht pour pouvoir participer à l’euro. Freddy WILLOCKX (ministre SP) (…) a dit : on a besoin de ça pour sauver la sécu… »(1)
Le succès et la déconfiture fulgurante de Fortis et d'autres grandes banques tiennent essentiellement de l'idéologie de la mondialisation et de la croissance. Que la grenouille se fasse plus grosse que le bœuf. Et le bœuf plus gros que l’éléphant. Et l’éléphant plus gros que la baleine. Et la baleine… Jusqu'où ira-t-on?
Pourquoi ne pas, pour une fois, laisser les ambitions, les envies de grandeur et l’égoïsme au placard ?
Profitons de cette débâcle pour faire du nettoyage.
1) Virons, en même temps, REYNDERS, le management Fortis et les actifs toxiques.
2) Faisons de Fortis une BANQUE PUBLIQUE POPULAIRE.
3) Supprimons toutes les filiales douteuses et concentrons nous sur l'essentiel: le citoyen et l'économie locale.
Qu'y a-t-il de si compliqué à revenir à une CGER proche du citoyen? Puisque c'est bien le contribuable qui rattrape la sauce, pourquoi n'aurait-il pas son mot à dire lui aussi? Une assemblée des actionnaires, des patrons perfides et un gouvernement avide de pouvoir et d’ambitions, c’est bien beau tout ça, mais le citoyen qui paye ses impôts, comme dit si bien REYNDERS, lui n’est pas invité ?
La société civile, du petit ouvrier, à l’employé en passant par le petit commerçant n'ont que faire des spéculations mondiales. Ils n'ont que faire du brouhaha financier mondial. Tout ce que veulent les petites gens que nous sommes c'est assez d'argent pour nourrir, chauffer et abriter nos familles. Assez d’argent pour nous déplacer, nous soigner, scolariser nos enfants et partir en vacances de temps en temps. Ni plus, ni moins. Est-ce tant demander?
Des actifs toxiques? Tant pis pour tous ceux qui y ont cru. Tant pis pour les avares. Pour les naïfs, il faudrait tout de même traduire en justice les responsables. Il est temps de prendre un balai et de faire le ménage.
Créons une banque populaire proche du citoyen un peu à l'image de la Kiwi banque en Nouvelle Zélande dont Marco VAN HEES parle dans un article titré Créons une banque publique, sur le modèle de la kiwibank
Nous pourrions aussi nous inspirer du modèle Triodos ou Credal qui ne financent que des projets éthiques, solidaires et/ou écologiques et qui ne font pas appel au marché interbancaire. Rien ne nous empêche de mettre notre épargne en commun pour financer des projets locaux auxquels nous croyons et que nous souhaiterions voire se développer. Ce genre d'initiative existe déjà à Ottignies sous le nom des ECUS BALADEURS.
Pour la Belgique, signalons deux sites: www.rfa.be (Réseau financement alternatif) et www.financite.be qui compilent une information abondante et pratique sur les placements éthique et solidaires.
Nous pourrions aussi nous inspirer des banques coopératives comme la NEF et le crédit coopératif en France. Alternative Bank Schweiz en Suisse. Banca Etica en Italie. Fiare en Espagne.
Bien sûr, les banques populaires, caisse d'épargnes et crédit mutualistes existent depuis longtemps. Rien de nouveau sous le soleil. Ces banques restent des banques qui fonctionnent dans et avec le système. Des banques avec obligation de résultats, de rentabilité et taux d'intérêts. Ce n'est donc jamais que du capitalisme aménagé qui ne change rien à l’idée de base. C'est néanmoins un premier pas dans la bonne direction: favoriser l'éthique, le solidaire, l'environnement et le local avant tout.
Il faudrait cependant aller beaucoup plus loin en revoyant tous les fondements de notre économie et de notre système bancaire et monétaire. Ce sera l'objet du prochain article.
Notes
(1) « Les banques privées ont démontré l’utilité d’une banque publique »