La date du 18 mars 2009, sera retenue par l’histoire, tout comme celle du 29 mai 1453 le fut pour la chute de Constantinople ou celle du 9 novembre 1989 pour la chute du mur de Berlin, comme celle qui signa la fin du capitalisme.
La Federal Reserve Bank, la banque centrale américaine, a annoncé son intention de racheter des Bons du Trésor (dette à long terme des États–Unis) en quantités considérables (pour un volant de 300 milliards de dollars), son budget atteignant désormais le chiffre impressionnant de 1,15 mille milliards de dollars. Pareil au serpent ouroboros dévorant sa propre queue, les États–Unis avaleront donc désormais leur propre dette, un processus désigné par l’euphémisme sympathique de « quantitative easing ». Pareille à celui qui tenterait de voler en se soulevant par les pieds, la nation américaine met fin au mythe qui voudrait que l’argent représente de la richesse : dorénavant la devise américaine représentera uniquement le prix du papier et de l’encre nécessaire pour imprimer de nouveaux billets. Elle se coupe aussi, incidemment, de la communauté internationale, mais baste !
Le dollar cessa de valoir de l’or quand, en 1971, le président Nixon mit fin à la parité du dollar avec ce métal. En 2009, le président Obama, en permettant à la Fed d’imprimer autant de dollars qu’elle le jugera bon, a mis fin à la parité du dollar avec quoi que ce soit, faisant de l’arrogance de la nation américaine la seule mesure restante de la valeur de sa devise. « Your Mamma still loves you ! » : le gosse, tout faraud, présente son premier spectacle et sa mère qui n’a pas voulu que son amour-propre courre le moindre risque a acheté tous les tickets !
Si la Chine attendait un signal pour se débarrasser de ses dollars, le voici ! Un article très intéressant dans l’Asia Times d’aujourd’hui, signé par Joseph Stroupe, explique comment la Chine, tentant de se délester en douce de ses dollars, les transfère discrètement à des fonds qui achètent des ressources minières et pétrolières. Stroupe, faisant reposer ses analyses sur des chiffres rassemblés par Rachel Ziemba, une collaboratrice de Nouriel Roubini, calcule que la Chine pourrait atteindre son objectif de réduction massive de son exposition au cours du dollar en un an environ. Nul doute que l’on ne dormira pas beaucoup cette nuit à Pékin et à Shanghai, tout occupé que l’on sera à acheter fébrilement des mines et des puits pétroliers aux quatre coins du monde !
Ah oui, j’oubliais : la bourse de New York, considérant qu’il s’agissait d’une bonne nouvelle, a clôturé en hausse.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
Source: Paul JORION
Quelques commentaires:
“Fin du capitalisme” ? Ce ne sera ni la première ni probablement la dernière fois que les États-Unis joueront l’inflation contre la finance. Ces deux derniers siècles cela leur a bien réussi, et même si le dollar devait s’effondrer cela aurait pour principal effet d’instaurer un “super-protectionnisme” où l’industrie américaine trouverait la voie de sa résurrection. Je comprends bien votre crainte d’une crise financière internationale précipitée par le retrait des Chinois et le fanatisme monétariste de la “vieille Europe” décidément vouée au suicide. Mais en attendant le refinancement forcené de l’économie américaine peut - peut-être - relancer la machine et l’inflation résorber in fine mécaniquement les dettes. Ce scénario ne résout aucun des problèmes de fond (finance cancéreuse et blocage des salaires) mais pourrait permet de les repousser une fois de plus aux États-Unis. En revanche je crains le pire en Europe si elle persiste dans sa politique du chien crevé au fil de l’eau…
- Dominique Larchey-Wendling dit :
19 mars 2009 à 08:36
Mais c’était évident depuis longtemps qu’ils allaient lancer la planche à billet. Par contre, ça a plutôt tendance à confirmer que la monnaie est bien crée ex-nihilo par le mécanisme de l’endettement. Où plutôt, la “fortune” (composée en partie de “reconnaissances de dettes”) crée par les intérêts cumulés est un jour ou l’autre transformée en “argent” …
Déflation ou hyper-inflation … les USA ont choisi de laisser couler le dollar.
- bernard dit :
19 mars 2009 à 11:44
Traiter de FIN du capitalisme une telle opération qui serait simplement “figer dans le marbre” la propriété des richesses extérieures vraies (terres, moyens de production, …) acquises par les différents cartels capitalistes mondiaux, et sans changer aucune des règles du jeu, simplement au détriment des détenteurs des créances pourries (mistigri) dont ils n’ont pu se débarrasser, et qui n’est pour moi qu’une étape (logique et nécessaire) pour repartir de plus belle, est un pur CONTRESENS si on reste sur le terrain de la logique, une TROMPERIE si on se refuse à considérer les responsables comme des gens complètement stupides.
C’est une simple étape de CONSOLIDATION