Avant de passer aux voies de sorties systémiques et messages d’espoir, il faut, être bien conscient d’une réelle polarisation des richesses entretenue par le système. Dans la même lignée que l’article précédent la question des banques publiques est encore posée. Nous terminerons par un choix qui s’impose de manière intemporelle mais qui s’impose aujourd’hui d’une manière vitale pour l’humanité.
A. POLARISATION DES RICHESSES
Imaginons la scène :
- d’un côté le « sommet », les 1000 milliardaires de la planète et tous ceux qui veulent le devenir... La planète compte aujourd’hui 793 milliardaires (en dollars), contre 1125 l’an passé. D’après le World Wealth Report 2007, la planète comptait 9,5 millions de millionnaires, possédant près de 40% des richesses de la planète.
- de l’autre, la « base », le peuple, les entrepreneurs, les travailleurs, l’État, les pauvres, etc. En bref tous les débiteurs (emprunteurs) et micro-créditeurs de la planète (eh oui, depuis Yunus, même les plus pauvres peuvent emprunter). Tout ce petit monde qui, à force de "pousse au crime crédit" (avec remboursement d’intérêts) est devenu insolvable !
- et au milieu, les banques et toute la machinerie du crédit qui alimente toute la machinerie de guerre, de pétrole et de pub.
Dans un entretien fin mars 2009, Dominique Strauss-Kahn (DSK) affirmait que « le système était gelé et que les milliards n’arrivaient pas en bas ». Voilà le patron du FMI qui contredit le fameux « effet de ruissellement ». Effet qui consiste à dire que les retombées positives de la croissance bénéficient d’abord au « sommet », détenteur de capital (normal, c’est eux qui tiennent les cordons de la bourse) pour ensuite ruisseler sur la « base », les plus pauvres. Les plus pauvres ont donc intérêt à promouvoir les riches et la croissance pour bénéficier des gouttelettes de richesses que les riches veulent bien leur laisser. C’était le leitmotiv de la banque mondiale et de nombreuses théories économiques ! Eh bien, aujourd’hui DSK officialise l’absence de ruissellement ! La pyramide des « richesses » est cristallisée : un sommet opulent et une base insolvable.
Cette polarisation des richesses est également exacerbée par les subsides aux profits (Cfr. manuel d’anti-économie et l'article "connaissez-vous le socialisme d'intérêt privé") et par la pratique de taux d’intérêts différenciés. Les taux d'intérêts appliqués varient selon les agents économiques: de 0 à 4% pour les banques et les États (0% droits de tirage spéciaux), de 2 à 20 % pour les États et les grandes entreprises et de 4 à 250% pour les petites entreprises, les pauvres et les particuliers.
L’intérêt monétaire pourrait être légitime si nous parvenions à faire de l’argent une chose publique… Mais comme le dit BASTIAT(libéral) dans sa lettre 6 qui l'oppose à PROUDHON en 1889: «la société n’a de capitaux que ceux qui sont entre les mains des capitalistes grands et petits».
Dans sa lettre 12, sur la question d’une Banque nationale, commune ou publique, BASTIAT avoua tout de même que «RICARDO avait conçu un plan moins radical, mais analogue (Proposals for an economical and secure currency)», et qu'il «trouvait chez SAY (Commentaires sur Storch) ces lignes remarquables: Cette idée ingénieuse ne laisse qu'une question non résolue. Qui devra jouir de l'intérêt de cette somme considérable mise dans la circulation? Serait-ce le Gouvernement? Ce ne serait pour lui qu'un moyen d'augmenter les abus, tels que les sinécures, la corruption parlementaire, le nombre des délateurs de la police et les armées permanentes. Serait-ce une compagnie financière, comme la Banque d'Angleterre, la Banque de France? Mais à quoi bon faire à une compagnie financière déjà riche le cadeau des intérêts payés en détail par le public?... Telles sont les questions qui naissent à ce sujet. Peut-être ne sont-elles pas insolubles. Peut-être y a-t-il des moyens de rendre hautement profitable au public l'économie qui en résulterait (ndlr: venant d'un chantre du capitalisme c'est fort); mais je ne suis pas appelé à développer ici ce nouvel ordre d'idées. (ndlr: c'est bien dommage)»
Serge Halimi en parle dans un article du Monde diplomatique : Nationaliser les banques.
Il en est également question sur ce blog à plusieurs reprises notamment dans ces deux récents billets Pour une nationalisation des banques (FORTIS=>CGER) & James ROBERTSON: « pour une réforme monétaire adaptée à l'ère de l'information »
Si le capital était public, le taux d’intérêt servirait alors uniquement aux frais de fonctionnement du système ou a des projets jugés d’utilité publique. Mais comment y parvenir sans sombrer dans l’absolutisme étatique ou financier ? Derrière l’argent ou l’État, ce sont toujours des hommes avec leurs forces et leurs faiblesses. Une certaine dose d’introspection et de sagesse serait salutaire. Malheureusement ou heureusement, cela ne s’impose pas ! C’est une démarche qui ne peut venir que de l’intérieur, d’une prise de conscience et d’un cheminement personnel. L’outil informatique et Internet est, à mon sens, un bon média temporaire pour y parvenir. Je dis bien temporaire car rien ne dit que cette technologie soit généralisable et viable à long terme. Cependant, c’est actuellement bel et bien grâce à Internet et à son intrinsèque multiplicité qu’il est possible de se faire une opinion de ce qui se passe réellement dans le monde : déstructuration, délocalisation, trafics et exploitation en tout genre... Bien sûr, il ne faut pas perdre de vue qu’Internet est un outil et qu’il ne remplacera jamais une bonne dose de conscience et d’éveil.
Que peut-on faire ? Cela nous concerne tous, banques, politiques, entreprises et citoyens. Nous avons tous une part de responsabilité dans cette course au toujours plus.
- Soit on reste dans le paradigme de l’Argent-Roi globalisé, dématérialisé et dé-personnifié => les banques-politiques continuent à racler la base pour alimenter le sommet jusqu’à ce que la base ne tienne plus (révoltes, émeutes, grèves…) => on continue, quand même, à maintenir la base par la force et les armes => guerres… (C’est ce qui s’est passé pour la guerre 40-45 suite à la demande insistante des Etats-Unis de remboursement des crédits commerciaux de l’Allemagne et de l’Autriche, voir L’acharnement thérapeutique peut-il nous conduire vers une Grande Dépression ?). Le capitalisme tourne en rond depuis au minimum moins 400 avant J-C. N’est-il pas temps de nous élever en trouvant autre chose ?
« La guerre est la ‘crise d’assainissement’ la plus vaste et la plus efficace qui soit pour se débarrasser des surinvestissements. Elle ouvre d’énormes possibilités supplémentaires pour de nouveaux investissements de capitaux et entraîne la consommation complète et l’usure des réserves accumulées de marchandises et de capitaux. Elle le fait surtout plus rapidement et plus radicalement qu’il est possible de le faire au cours des périodes de dépressions habituelles, même avec un très grand soutien artificiel. Ainsi la guerre est elle le meilleur moyen de repousser toujours davantage la catastrophe finale qui mettrait fin à l’ensemble du système capitaliste. »
[Ernst WINCKLER], «Théorie de l’ordre naturel du monde», 1952
- Soit on est prêt à remettre le paradigme en question et on revoit notre système monétaire de fond en comble avec comme solution certaine, un jeu de monnaies diversifiées et comme solution possible, des monnaie franches ou fondantes. Mais pour cela, il va nous falloir un sacré saut de conscience ! Il va falloir comprendre que l'accumulation ne résoudra pas nos problèmes existentiels (peur de manquer, de mourir, de vieillir).
Et si l’intérêt monétaire était la traduction réelle, structurelle et systémique de nos angoisses existentielles ?
Si la logique en place est si tenace, c'est peut-être que quelque chose au fond de nous même y collabore - quelque chose qui participe de l'angoisse et du déni de notre condition d'humains. Les voies de sorties, les plus pertinentes de l'économie capitaliste ne sont donc pas économiques. Elles sont existentielles.
[Christian ARNSPERGER] Critique de l'existence capitaliste, Pour une étique existentielle de l'économie
Il n’est pas tout a fait correct de penser que la société actuelle n’a plus de sacré. Il n’y a pas disparition du sacré mais inversion du sacré et du profane :
avec profanation de ce qui était considéré sacré, comme certaines valeurs : la liberté, l’égalité, la générosité, le génome humain, le caractère non marchand du vivant, etc.
avec sacralisation du profane : la technique, l’argent, l’idéologie de "la gagne", la croissance économique, etc. Dénoncer le matérialisme de la société, c’est penser le religieux en termes religieux (et non scientifiques) : il y a une religiosité du marché avec ses temples de la consommation, ses instruments de culte que sont le linéaire, les chariots, sa liturgie publicitaire, ses grands prêtres économistes nobélisés, son Crédo du pouvoir d’achat, son calendrier "solidaire", etc. Et il y a une religiosité de la finance avec son temple de la bourse, ses instruments de cultes que sont les écrans, les graphiques et l’électronique, sa liturgie du gain, ses grand prêtres financiers, son Crédo du bon investisseur, etc.
[Paul ARIES] Objectif décroissance, vers une société harmonieuse