Ce samedi 17 septembre, une manifestation antinucléaire internationale est organisée du centre de Huy jusqu’aux centrales de Tihange. Cfr. www.stop-tihange.org. Cette manifestation est soutenue par bon nombre d’associations.
Le but de cet article n’est pas d’appeler à la manifestation mais surtout de faire réfléchir. Réfléchir à la possibilité de se passer du nucléaire. Peut-on s’en passer ?
Tout d’abord, il faut savoir que dans l’Europe des 15, 7 pays n’ont pas recours au nucléaire. Comment font-ils ? Il faut aussi savoir par exemple que 22% de l’énergie du Danemark provient de l’éolien. Notons également que l’Allemagne est déjà à 10,6 % d’énergies renouvelables dans sa consommation totale. Si on est déjà à 15 – 20% d’apport énergétique en renouvelable en 2010 alors que nous n’en parlions pratiquement pas il y a 10 ans, pensez-vous que rien ne va changer dans 20 ans ? Avec un minimum de bon sens et de bonne volonté, tout ménage est capable de réduire sa consommation énergétique de 50%. Pour le secteur industriel il est possible d’atteindre 70 à 80% de réduction. L’idée n’est évidemment pas de tout couper du jour au lendemain comme le souligne avec ironie Saral Sarkar dans l'article Éteignons l’énergie nucléaire ! Et après ? Il faudrait d’ailleurs rappeler à Saral Sarkar comme à Georgescu-Roegen, qu’avec un tel raisonnement, il n’y a pas que le renouvelable qui est non soutenable mais absolument tout ce que l’homme a déjà pu faire et entreprendre sur cette bonne vielle Terre. Et la Vie dans tout ça ? C’est soutenable ? Ca a un sens ?
Daniel COMBLIN, ingénieur industriel et président de l’APERe (Association pour la promotion des énergies renouvelables), auteur d’une étude intitulée « L’Avenir Energétique », démontre que nous pourrions nous passer du nucléaire pour 2030 moyennant une réduction de 25% de notre consommation par rapport à 2009 et une augmentation de 50% de la production énergétique par cogénération et énergies renouvelables. Il serait même possible de réduire nos niveaux d’émissions de CO2 par rapport à ceux 1990 de 70% pour 2020 ! 3 fois mieux que les derniers accords de Kyoto ! J’invite donc tous ceux qui croient encore au nucléaire à lire cette étude « L’Avenir Energétique » de Daniel COMBLIN.
Dans son étude, Daniel Comblin analyse deux fois trois scénarios, chacun des trois scénarios de consommation étant combiné avec chacun des deux scénarios de production :
A. trois scénarios en termes de maîtrise et de réduction de la consommation d’électricité :
A.1. un scénario « Tendanciel » dont l’évolution de la consommation d’électricité suit la tendance de l’évolution durant la période 1998-2008 ; on observe alors une augmentation globale de 16 % de la consommation d’électricité en 2030 par rapport à 2009 ;
A.2. un scénario « Stabilisation », prenant en compte une stabilisation de la consommation jusque 2015 et ensuite une légère diminution de 0,5 % par an ; on observe alors une réduction globale de 7 % de la consommation d’électricité en 2030 par rapport à 2009 ; ce scénario suit sensiblement la tendance de l’évolution durant la période 2000-2009 ;
A.3. un scénario « Réduction » visant globalement une réduction de la consommation d’électricité de 24 % en 2030 par rapport à l’année 2009.
L’étude montre notamment que les scénarios « officiels » (SPF économie, Bureau du Plan et Groupe GEMIX) ne prennent étonnamment pas en compte l’évolution à la baisse de la consommation entre 2004 et 2009, période durant laquelle on observe une diminution globale de la demande de plus de 8 %.
B. deux scénarios en termes d’augmentation progressive des unités de production utilisant les énergies renouvelables ou fonctionnant en cogénération chaleur-électricité :
B.1. un scénario appelé « Extrapolation des Objectifs Nationaux », prévoyant une production des énergies renouvelables sur base de l’objectif belge défini récemment pour 2020 et extrapolé pour la période 2020-2030, combinée à une augmentation progressive de la cogénération représentant en 2030 environ 60 % du potentiel technico-économique ;
B.2. un scénario appelé « Pro-actif » plus ambitieux et plus volontariste ; il est basé sur les objectifs revendiqués pour 2020 par les acteurs des filières renouvelables (edora) avec extrapolation entre 2020 et 2030, combinée à une augmentation plus importante de la cogénération (80 % du potentiel).
L’analyse constate ainsi que la substitution de l’ensemble de la production nucléaire, fin 2025, tout en respectant les objectifs de réduction des gaz à effet de serre (-20 % en 2020) sera :
- très difficile pour le scénario « Tendanciel » combiné avec le scénario « extrapolation objectifs nationaux », moyennant d’importants nouveaux investissements en TGV (Turbine Gaz Vapeur), ceci impliquant une augmentation des émissions de CO2 (+6 % en 2030 par rapport à 1990) ;
- difficile pour le scénario « Tendanciel » combiné avec le scénario « Proactif-extrapolation edora » ainsi que le scénario « Stabilisation » combiné avec le scénario « extrapolation objectifs nationaux », moyennant des investissements environ moitié moins importants que dans le premier scénario, tout en respectant largement l’objectif 2020 en terme de réduction de CO2, mais en voyant les émissions augmenter entre 2020 et 2030 ;
- moins difficile pour le scénario « Réduction » combiné avec le scénario «extrapolation objectifs nationaux», moyennant très peu de nouveaux investissements TGV tout en respectant largement les objectifs de réduction de CO2 tant en 2020 qu’en 2030 ;
- possible pour le scénario « Stabilisation » combiné avec le scénario « Proactif-extrapolation edora », moyennant très peu de nouveaux investissements TGV tout en respectant largement les objectifs de réduction de CO2 tant en 2020 qu’en 2030 et en permettant également la sortie de la filière charbon ;
- totalement possible pour le scénario « Réduction » combiné avec le scénario « Pro-actif-extrapolation edora », moyennant très peu de nouveaux investissements TGV tout en respectant largement les objectifs de réduction de CO2 tant en 2020 qu’en 2030 et en permettant également la sortie de la filière charbon, ainsi que de la filière gaz (hors cogénération) en fin de période.
| A.1. Tendanciel | A.2. Stabilisation | A.3. Réduction |
B1. Extrapolation des Objectifs Nationaux | très difficile | difficile | moyen |
B.2. Proactif-extrapolation edora | difficile | possible | totalement possible |
Faisabilité de substitution de l’ensemble de la production nucléaire, fin 2025,
tout en respectant les objectifs de réduction des gaz à effet de serre (-20 % en 2020)
La présente étude montre clairement que le scénario de sortie prévu par la loi de 2003 reste plausible, soit en limitant la durée de vie des centrales à 40 ans comme prévu initialement. Pour ce faire, il s’agit non seulement d’accentuer les efforts de développement des moyens de production renouvelables et alternatifs, mais aussi d’être plus volontariste en terme de maîtrise et de réduction de la consommation d’électricité.
Scénario « Réduction » (A.3.) Combiné avec scénario ER et Cogen « Extrapolat. Objectifs Nationaux » (B.2.)
Cette analyse montre aussi qu’il est même envisageable d’arrêter certaines unités quelques années plus tôt que prévu par la loi de 2003, en combinant un développement volontariste des renouvelables et de la cogénération avec un objectif de réduction de la consommation de 25 % d’ici 20 ans. Un tel niveau de consommation ne paraît pas utopique, car on retrouverait un niveau comparable à celui de 1990 mais avec un confort probablement supérieur. Le scénario idéal devrait également s’inscrire dans une perspective de plus long terme, visant un objectif 100 % renouvelable en 2050, qui intègre à la fois la sortie du nucléaire, mais aussi la sortie de toute utilisation d’énergie fossile pour produire l’électricité. C’est également l’orientation donnée à cette étude.
Rappelons que les centrales belges (Tihange et Doel) sont des conceptions qui datent des années 60 ! En matière de haute technologie, il y a mieux. Si ça tombe, les gaines des câbles électriques sont encore en tissus…
Alors ? Pourquoi ça piétine comme avec notre gouvernement ? Encore et toujours pour une question d’argent. Il est en effet intéressant de noter qu’Electrabel-Suez gagne 700 millions d’Euros par an sur le dos des contribuables belges qui ont les tarifs d’approvisionnement énergétique les plus élevés d’Europe. Il est aussi intéressant de noter qu’Electrabel-Suez ne paie que 0,04 % d’impôts. Ou encore, qu’Electrable-Suez possède le plus haut taux d’exploitation (rapport entre bénéfice et charge salariales) de son personnel. Alors que ce taux devrait être un peu supérieur à 100 (ex : 115 pour l’entreprise contre 100 pour l’employé), Suez-Tractebel cartonne à 5519%.
Donc, bien plus qu’une question d'énergie, c’est une question d’argent…
Le nerf de la guerre comme on dit…
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