DES RACINES POUR L’AVENIR, cultures et spiritualités dans un monde en feu. Rarement - pour ne pas dire jamais - il m’a été donné de lire un livre aussi abondamment et éloquemment référencé, aussi fin que rigoureux, aussi renversant que rassurant.
Il n’y est pas question de constats ou d’atermoiement sur l’Etat de notre monde. Il n’y est pas non plus question de solutions toutes faites ou de petits conseils simple et facile sur « le comment sauver notre monde ». En fait il n’est jamais question de comment mais de pourquoi ? Muni d’une profonde ouverture d’esprit, s’inspirant de ses multiples voyages et expériences, Thierry VERHELST cherche humblement à déceler les clés d’une Voie de sortie libératrice de ces temps de crises, de nos croyances, de nos blocages. A la croisée des chemins de la tradition et de la modernité, il nous propose une ligne médiane, verticale, appel à la Transcendance, à la non dualité et à la réincarnation de l’esprit. Un livre tout en finesse qui ne verse jamais dans l’excès. Excès de sens (religion), excès de pouvoir (politique) ou excès de raison (science).
Loin des clivages Nord-Sud, Riche-Pauvre, Tangible-Subtil, Profane-Sacré, Objectif et Subjectif, ce livre tente d’accorder nos violons pour une splendide symphonie à la Vie et à la quête de sens.
Sans prétendre à LA vérité, il me semble aujourd’hui que c’est effectivement et bel et bien de cela que manque l’humanité. La quête de sens ! Sens de la vie, de la mort, du monde, du cosmos, des choses, des rapports, etc. L’homme moderne est en « panne de sens » ! Technicien, l'homme moderne s’attèle à réparer ce qui se passe en-dehors (sauver le monde) plutôt qu’à se pencher sur ce qui se passe en-dedans. L’homme est en danger, pas la planète… Focalisé sur l’extérieur, il oublie ce qui se passe à l’intérieur.
« Le savoir occidental regarde au-dehors ; la sagesse orientale regarde au-dedans. Si vous regardez au-dedans comme vous regardez au-dehors, vous faites du dedans un dehors. Mais si vous regardez au-dehors comme vous regardez au-dedans, alors vous faites du dehors un dedans ». [Suzuki Daisetsu, cité par Thierry VERHELST à la page 318]
Aux multiples problèmes que nous rencontrons aujourd’hui mondialement, il ne faut donc pas uniquement répondre par les sciences « exactes » - et son opportuniste acolyte capitaliste - mais aussi et surtout par les sciences sociales : l’ethnologie, l’anthropologie, la sociologie, la théologie, la philosophie. Contrairement à ce que la modernité laisse entendre, il ne s’agit pas d’une tare ou d’une hérésie mais bien d’une planche de salut !
Après avoir abordé avec brio plusieurs thèmes ethnologiques : les cosmologies (chapitre 1), la vie en société (chapitre 2), l’économie (chapitre 3), l’humain (chapitre 4), le politique (chapitre 5), l’épistémologie (chapitre 6), la mondialisation (chapitre 7), les mutations culturelles (chapitre 8), l’auteur glisse lentement vers l’aboutissement, le message qu’il souhaite faire passer de son livre. Il aborde ainsi le thème des spiritualités renouvelées au chapitres 9 pour terminer en panache par un chapitre 10 intitulé « Antique tradition chrétienne et quête d’un avenir différent ».
Dans son approche culturelle, il touche aux cultures Africaines, à leur rapport aux anciens, au groupe, au temps et à l’espace. Il touche aussi à la sagesse du tao, la voie de l’équilibre en toutes choses. Il se penche également sur les apports des cultures Amérindiennes, Eurasiennes et Arabes. Il s’intéresse et compare les apports du Bouddhisme, du Chamanisme, de l’Indouisme, du Christianisme, du Judaïsme et de l’Islam. Il aborde des questions épineuses sur la religion (fanatisme), la politique (abus de pouvoir) ou notre rapport au monde et aux mots. Questions d’épistémologie, nous sommes des êtres de relation qui s’expriment par le Verbe et non des choses figées qui s’expriment par un prix. Mais dès que le Verbe se fait chair, il trahit la beauté du monde.
Influencé par une formation théorique rigide comme juriste et théologien mais ensemencé par une expérience de terrain multiculturelle, Thierry VERHELST a su tirer le meilleur en ne se noyant pas dans l’unité totalitaire de la tradition tout en ne se perdant pas dans le dualisme insipide de la modernité. Thierry a su se desquamer de ses enseignements théologiques réducteurs pour en tirer le plus beau, celui de la Trinité, celui de l’Amour. Ni moniste, ni dualiste, il fait l’éloge de la pensée ternaire alliant, le corps, l’âme et l’esprit en Un. Le matériel, le vécu et le Divin en Un. Une unicité ni fusionnelle, ni séparatrice. C’est ici que 1 et 1 font 3. Cette fraîcheur de vie concrète n’a été possible que par l’ouverture à la relation, au rêve, aux us et coutumes des autres. « Une vie parfois bien plus accessible aux athées ouverts qu’aux ‘croyants’ fermés », comme il le dit si bien. Juriste, Anthropologue et Théologien, on pourrait dire que Thierry lui-même incarne la Trinité dont il fait si souvent l’éloge : unir-sans-confondre, distinguer-sans-séparer.
Avec la mondialisation et les rencontres interculturelles de plus en plus intenses, il introduit son livre en posant la question : « Allons-nous vers de sanglants chocs de civilisations ? Ou est-il possible d’envisager des rencontres plus paisibles et plus fécondes entre les cultures et l’humanité ? ».
Tout le livre repose sur une conviction : les peuples ont tout à gagner par le dialogue et l’échange, tout à perdre par le jugement et le repli sur soi.
Il le clôture en faisant l’éloge de la tradition chrétienne des premiers siècles : « Entre le caractère trop yin des cultures traditionnelles et le côté excessivement yang de la modernité, la tradition chrétienne des premiers siècles, telle qu’exposée ici même, représente une voie médiane. Elle ouvre des pistes passionnantes pour intégrer à la fois les apports positifs de la modernité — liberté personnelle, égalité sociale, fraternité, — et de la tradition — interconnexion holistique, sens du sacré, convivialité dans la sobriété. Elle offre une voie des crêtes entre les écueils opposés des représentations trop statiques et fusionnelles propres à certaines cultures traditionnelles et les représentations trop dualistes et impatientes de la modernité.
Elle constitue à mes yeux une tradition pour demain. Elle représente pour l’Occident, et au-delà, pour un monde marqué par lui, une racine pour penser l’à-venir, Saurons-nous saisir cette chance? Ce livre est porté par l’espérance que les croyants des différentes religions ainsi que tous les autres chercheurs de sens trouveront dans les traditions et sagesses qui les inspirent des pistes précieuses pour contribuer à la quête commune d’un monde plus viable grâce à des mentalités et des comportements nouveaux dont la diversité ne sera pas un obstacle mais au contraire une richesse supplémentaire. » p. 416.
Thierry VERHELST, juriste de formation, né à Gand en 1942, s'est familiarisé avec l’anthropologie culturelle et la théologie orthodoxe. Œuvrant dans les ONG et la recherche, il accumula une expérience forte dans les trois continents du Sud ainsi qu’aux Etats-Unis et en Europe, et démontre que, partout, des communautés tentent de sortir des impasses actuelles pour sauvegarder la planète et défendre l’humain.