Le dernier rapport du Global Europe Anticipation Bulletin n'y va pas avec le dos de la cuillère. Ci-dessous, quelques extraits du bulletin 32…
Depuis Février 2006, LEAP/E2020 avait estimé que la crise systémique globale se déroulerait selon 4 grandes phases structurantes, à savoir les phases de déclenchement, d'accélération, d'impact et de décantation. Ce processus a bien décrit les évènements jusqu'à aujourd'hui. Mais notre équipe estime dorénavant que l'incapacité des dirigeants mondiaux à prendre la mesure de la crise, caractérisée notamment par leur acharnement depuis plus d'un an à en traiter les conséquences au lieu de s'attaquer radicalement à ses causes, va faire entrer la crise systémique globale dans une cinquième phase à partir du 4° trimestre 2009 : la phase dite de dislocation géopolitique mondiale. Selon LEAP/E2020, cette nouvelle phase de la crise sera ainsi façonnée par deux phénomènes majeurs organisant les évènements en deux séquences parallèles, à savoir :
1. La disparition du socle financier (Dollars + Dettes) sur l'ensemble de la planète
L'insolvabilité globale qui caractérise désormais le système financier mondial peut être représentée par une image très simple : le socle financier sur lequel reposaient depuis des décennies les banques, assurances et autres établissements financiers mondiaux, est en train de s'effondrer, à l'image d'une ville qui serait construite sur une immense anfractuosité et qui découvrirait soudain que ce qu'elle croyait être un sol solide, destiné à porter durablement les fondations des immeubles de la cité, n'est en fait qu'une mince croûte de terre sous laquelle se trouve un mélange de vide, de gaz toxique et de remblais instables. L'équivalent financier de ce mélange est bien entendu la combinaison hautement volatile de Dollars US, d'actifs libellés en Dollars et de dettes produites en particulier par les Etats- Unis, le Royaume-Uni et nombre d'économies occidentales et en développement.
2. La fragmentation accélérée des intérêts des principaux acteurs du système global et des grands ensembles mondiaux
Le protectionnisme est bien de retour puisque le processus de globalisation tel qu'on l'a connu ces deux dernières décennies est désormais arrêté. Les discours des dirigeants politiques mondiaux sont pathétiques dans la mesure où ils persistent à répéter leur volonté de s'opposer au retour du protectionnisme et à relancer le cycle de Doha de libéralisation du commerce ; tandis que, dans les faits, ils font tout le contraire comme le prouvent le « Buy American » d'Obama, la dévaluation compétitive de la Livre Sterling de Brown, les aides à l'industrie automobile française de Sarkozy, le plan de relance soigneusement ciblé « Allemagne » de Merkel ou la plan de stimulation de la demande interne chinoise de Hu Jintao. Les dirigeants mondiaux sont de plus en plus schizophrènes : leurs actes s'éloignent de plus en plus de leurs discours.
1. La décomposition rapide de l'ensemble du système international actuel
Au niveau du système monétaire mondial, près de 70% des marchés des devises sont traités sur trois places financières, à savoir Londres, New-York et Tokyo. Toutes les trois appartiennent de facto à la zone Dollar et ont des dirigeants qui dépendent étroitement de Washington, ce qui assure que leurs interprétations des évènements et des mouvements du monde sont fondamentalement similaires. L'actuel naufrage de l'économie britannique et sa place financière met en péril le rôle prédominant de Londres. Parallèlement alors que huit des dix principales banques du marché international des devises étaient américaines ou britanniques en Mai 2008, il est remarquable que certaines aient déjà disparu du paysage, comme Lehman Brothers, ou soient en quasi-faillite (nationalisée) comme Royal Bank of Scotland ou Citi. Là encore on voit à quelle vitesse ce noeud stratégique du système financier mondial est en train de chuter sous nos yeux, contribuant à une décomposition accélérée de l'ensemble du système international de ces dernières décennies.
2. La dislocation stratégique de grands acteurs globaux.
En fait, selon LEAP/E2020, plus l'entité politique est importante en taille et en population, plus elle repose sur le socle « Dollar/Dettes » caractérisant le système actuel ; et plus elle est centralisée, plus elle s'avérera sensible aux formidables tensions générées par la crise systémique globale.
* De la Chine, L'Inde et la Russie, les États-Unis sont bien évidemment ceux qui reposent intégralement sur le socle « Dollar/Dettes ». C'est même ce qui a alimenté leur puissance et leur richesse ces dernières décennies.
* Les tensions socio-ethniques sont immenses avec dorénavant une forte composante hispanique liée aux narcotrafiquants qui gangrènent la frontière sud du pays. Les intérêts économiques des différentes régions divergent de plus en plus face à la crise : par exemple, les problèmes de la Californie en quasi-faillite ne sont pas du tout les mêmes que ceux des États dont l'industrie automobile s'effondre ; et ils sont encore différents de ceux de la Floride. Le Texas n'a pas les mêmes problèmes que New-York ; et ainsi de suite…
*Enfin, le quasi-monopole de Washington et de l'état fédéral dans la réponse à la crise impose l'utilisation de dispositifs très centralisés, standardisés et donc incapables de prendre en compte les situations très variables d'un État à l'autre. Ce simple fait porte déjà l'assurance d'une faible efficacité des mesures mises en place, comme on le constate d'ailleurs depuis plus d'un an.
* L'UE est beaucoup moins dépendante du socle « Dollar/Dette » que les Etats-Unis par exemple. Seuls certains États membres comme le Royaume-Uni en particulier, et quelques autres identifiés dans les GEAB précédents, sont très sensibles à ce facteur. Mais le coeur de la zone Euro n'est que très peu affecté.
* L'UE, et surtout la zone Euro, est en effet très sensible au facteur de grande diversité de ses composantes. Si les États européens étaient aussi peu indépendants que les États fédérés américains, ce serait l'assurance d'une explosion généralisée de l'UE.
* Le fonctionnement de l'UE est extrêmement polycentrique, et non pas centralisé. Les États ont d'immense marge de manoeuvre. La BCE fournit un cadre monétaire cohérent. Les fonds structurels européens assurent une cohésion de long terme. Et ce système polycentrique sait, il l'a montré depuis plus de 50 ans, se montrer imaginatif quand la situation l'exige, notamment car il se sait fragile et une pure création de la volonté de ses peuples et de ses dirigeants.
Et l'Allemagne, poids lourd de la zone Euro et de l'UE, fera tout pour empêcher que l'Union européenne et la zone Euro cessent d’être les débouchés privilégiés de son industrie, au moment où ses marchés mondiaux s'effondrent ou risquent de se fermer.
Pour conclure, si on ajoute l'impact de la phase de dislocation sur la Russie et la Chine, il va être très intéressant de savoir si cette crise systémique globale va voir survivre le nouveau modèle d'intégration régionale de type UE, ou au contraire renforcer le modèle impérial de type Etats-Unis, Chine et Russie. Pour notre équipe, en fonction des facteurs identifiés précédemment, cette crise systémique globale pourrait bien être le dernier avatar des crises qui depuis cent ans se succèdent en faisant tomber les empires les uns après les autres. Simple question d'adaptation à l'environnement socio-économique du siècle à venir ! Sans oublier la crise climatique comme l'illustrent les cartes ci-dessous.
Production agricole par pays en 2007 (en USD) - Source MarketSkeptics, 01/2009
Pays affectés par des sécheresses (2007) - en marron foncé, sécheresse normale / en marron clair, sécheresse grave / en rouge, sécheresse historique - Source MarketSkeptics
Ainsi que nous venons de l'anticiper dans ce GEAB N°32, la phase 5 de la crise systémique globale affectera de manières diverse les différents pays et même, au sein d'une même entité politique, ses différentes régions. Cependant, il est possible d'élaborer un certain nombre de recommandations générales destinées à éviter de se retrouver piégé au beau milieu du processus de dislocation géopolitique mondial. Pour cela il est important d'évaluer 3 facteurs majeurs qui déterminent la gravité de la dislocation socio-économique et politique de votre pays ou région.
Selon LEAP/E2020, ces trois facteurs sont:
1. Le degré de dangerosité physique directe de la dislocation géopolitique dans votre pays/région
Si votre pays ou région est une zone où circulent massivement des armes à feu (parmi les grands pays, seuls les États-Unis sont dans ce cas), alors, le meilleur moyen de faire face à la dislocation stratégique est de quitter votre région ou votre pays si cela vous est possible, pour vous installer dans une région ou un pays moins dangereux physiquement.
2. Le degré de dépendance de votre région/localité vis-à-vis d'approvisionnements extérieurs
Si votre pays/région est particulièrement dépendant de l'extérieur pour son alimentation en énergie, nourriture, eau,… alors il est essentiel de faire des réserves ou bien de penser à partir s'installer dans une région moins dépendante.
3. La durée probable d'éventuelle dislocation des principaux services publics et/ou privés
Dans de nombreux pays ou régions, la dislocation des services publics sera passagère - de l'ordre de quelques jours à quelques semaines. En s'y préparant bien et en s'appuyant sur les liens de voisinage ou familiaux, cette période sera aisément surmontée. En revanche si vous estimez que dans votre pays ou région, la dislocation risque de se greffer sur un effondrement du pouvoir central, ou au moins du pouvoir régional, alors il est essentiel soit de se préparer à quitter provisoirement votre région, soit à organiser une alternative collective d'ampleur avec les membres de votre communauté.
Donc, de la violence, oui certainement, mais aussi une opportunité en or pour se recentrer sur l'essentiel, le local et la solidarité. C'est dans l'adversité que l'homme se montre sous son vrai jour: "impulsif et reptilien" vs "réfléchi et humain"…
Et le bulletin termine par:
Enfin, évitez plus que jamais l'ensemble des instruments financiers proposés par les banques. Outre le risque de les voir bloqués lors de la phase 5 de la crise, les baisses continues de taux d'intérêts par les banques centrales constituent une mise en coupe réglée des épargnants. Restez liquide au maximum pour pouvoir bouger immédiatement si nécessaire.