La constitution fictive d’un fond de garantie de 500 milliards d’euros (les 250 supplémentaires viennent du FMI) aurait pu être une bonne parade si et seulement si les Etats Membres de la Zone Euro avaient coupé le cordon mafieux qui les relie aux banques et au monde financier. Malheureusement, cela fait un bon bout de temps qu’une majorité d’Etats ne se financent plus seuls mais doivent passer par un pouvoir bancaire, dit indépendant et intègre, pour obtenir un prêt. Comme le prétendent les tenants de l’indépendance bancaire, on ne badine pas avec l’argent, seules des personnes bien avisées peuvent le gérer. On constate le résultat aujourd’hui.
Un Etat se finance donc en émettant des obligations d’Etat ou bons du trésor sur un marché dit primaire accessible à tout investisseur qui souhaite faire un placement d’Etat. C’est donc bien des opérateurs privés (Gates, Sorros, Slim ou tout consortium ou montage financier privé) qui prêtent de l’argent aux Etats (le peuple, le public). Cela ne poserait absolument aucun problème si cet argent était prêté gratuitement. Mais il n’en est rien, les Etats (le peuple) doivent payer une dîme (un intérêt) aux seigneurs financiers. Nous sommes encore sous un régime féodal qui croit encore dans l’équivalent Or et qui fait payer la monnaie. Une monnaie qui n’est qu’un vulgaire symbole communément admis par une communauté. Un symbole qu’il faut payer à ceux qui le possèdent pour pouvoir échanger ??? Voilà où en est l’humanité « développée » du XXIème siècle.
Tout bon d’Etat refusé sur le marché primaire, se retrouve sur le marché secondaire ou marché d’occasion. Les bons d’Etats, comme tout le reste (matière première, nourriture, monnaie), font partie du marché, ils sont jaugés, évalués et font l’objet d’offres et de demandes. Les bons d’Etats sont cotés par des agences de notation. Les chemins de fer, les écoles, les hôpitaux, nos maisons font partie du marché et du bon vouloir de la finance.
C’est ici qu’intervient notre brave et honnête Papandreou qui, comme tout bon politicien, a critiqué son prédécesseur en dénonçant ses pratiques comptables douteuses. Malheureusement pour lui, ces pratiques étaient tacites et permettaient à la Grèce de faire partie de l’Euro. C’est alors que la cote des bons d’Etat grecs est revue à la baisse par les agences de notation: de solides elles passent à moyennes puis carrément pourries. Une dégradation en tout point similaire à celle des subprimes trois ans plus tôt. La seule différence entre la crise des subprimes et la crise grecque est le fait qu’il s’agit d’individus ciblés dans la première et d’un peuple dans la seconde. Mais dans les deux cas, il y a défaut de payement de la présumée vache à lait et les prêteurs s’en trouvent bien désargentés. C’est la crise !
La crise pour qui ? Les prêteurs ou les emprunteurs ? Les prêteurs n’ont-ils pas prêté leur argent en connaissance de cause ? (Pas toujours dans le cas des subprimes mais les magouilleurs de première ligne sont bien au courant). Les prêteurs ignorent-ils que quand les taux d’intérêts sont élevés, cela cache quelque chose ? Si vous prêtez attention à la grille de cotation des agences de notation vous remarquerez que plus la cote est basse, plus le risque est élevé et plus le taux d’intérêt réclamé lors d’un prêt est élevé. Si le risque se matérialise, si l’emprunteur fait effectivement défaut, qui du prêteur ou de l’emprunteur doit payer les pots cassés? Conscient du risque, le prêteur devrait assumer une partie des pertes. Idéalement la moitié. Eh bien, depuis la crise des suprimes en 2007, toutes les mesures adoptées couvrent le prêteur et coulent l’emprunteur. Il y a bien sûr de belles et tonitruantes déclarations d’intentions mais dans les faits, rien ne change. En cœur, nos oligarques Européen reprennent et appliquent toujours l’indémodable maxime de Colbert (argentier de Louis XIV) : « Sire, taxons les pauvres, ils sont plus nombreux ».
Alors aujourd’hui, de deux choses l’une :
* Soit on continue sur cette voie en saignant l’emprunteur (le peuple) en lui imposant une cure d’austérité draconienne. On sacque dans les services publics (enseignement, pension, santé, conditions de travail), on baisse les salaires, on augmente les impôts tout en le poussant incidieusement à la consommation ?! (il faut de la croissance)
* Soit on accepte de revoir nos fondamentaux tout en taxant les plus gros patrimoines pour rééquilibrer la balance budgétaire des Etats.
La raison pour laquelle nos Etats ont toujours soutenu le prêteur (le capitaliste) au détriment de l’emprunteur (le peuple) tient essentiellement du dogme et d’un puissant rapport de force.
La fameuse indépendance bancaire aux mains du marché tient du dogme. Merci FRIEDMAN.
Le fameux « Too Big To Fail » ou « aléa moral » tient du rapport de force. Merci PAULSON.
L’Europe creuse le même sillon que les Etats-Unis…
Dans la course à la bêtise humaine, qui du dollar ou de l’euro l'emportera ?
Pour terminer, le discours de MIRABEAU devant l’assemblée constituante en 1789.
" Il faut le combler, ce gouffre effroyable. Eh bien ! Voici la liste des propriétaires français. Choisissez parmi les plus riches, afin de sacrifier moins de citoyens ; mais choisissez ; car ne faut-il pas qu’un petit nombre périsse pour sauver la masse du peuple ? Allons, ces deux mille notables possèdent de quoi combler le déficit. Ramenez l’ordre dans vos finances, la paix et la prospérité dans le royaume (...). Vous reculez d’horreur... Hommes inconséquents ! Hommes pusillanimes ! Et ne voyez-vous pas qu’en décrétant la banqueroute, vous vous souillez d’un acte mille fois plus criminel ? (...) Croyez-vous que les milliers, les millions d’hommes qui perdront en un instant, par l’explosion terrible ou par ses contrecoups, tout ce qui faisait la consolation de leur vie, et peut-être leur unique moyen de la sustenter, vous laisseront paisiblement jouir de votre crime ? Contemplateurs stoïques des maux incalculables que cette catastrophe vomira sur la France, impassibles égoïstes, êtes-vous bien sûrs que tant d’hommes sans pain vous laisseront tranquillement savourer les mets dont vous n’avez voulu diminuer ni le nombre ni la délicatesse ? Non : vous périrez."
Discours toujours d’actualité ? Sommes-nous aux portes d’un 1789 Européen et Américain ?
Dixit Noam CHOMSKY aux Etats-Unis «La situation actuelle est très similaire à l’Allemagne de Weimar».
Autres articles intéressants :
Rassurer les marchés financiers et les spéculateurs ou les démanteler ?
Une occasion manquée (sur www.robin-woodard.eu et pas Paul JORION)
750 Milliards : chroniques d’une fin non annoncée
Sauver les banques jusqu’à quand ? (Frédéric LORDON)
Sauver les banques ou notre civilisation? (Junon MONETA, article datant de 2008. Aujourd’hui rien n’a changé, nous avons déjà perdu 2 ans à grand coup de rigueur budgétaire et de destruction du bien commun et des grands acquis sociaux !)
Je ne mentionne pas Paul JORION car il pratique une politique de censure anti-démocratique sur son blog. De plus lorsqu'il reprend un article, il mentionne bien qu'il s'agit d'un billet invité mais il ne précise jamais sa source initiale. Un moyen simple et efficace pour attirer du monde et qui en fait un des blogs les plus fréquentés de la blogosphère... Trop concentré, trop peu démocratique, trop «Too big to fail»... J'ai cependant repris le titre de ce billet du titre d'un commentaire d'un certain zébu publié le 12 mai 2010 à 9h54 et que je remercie.