Ainsi, de bancaire à souveraine, la crise deviendrait monétaire…
Et pourtant, et pourtant, les solutions existent et la gestion monétaire n’a rien de complexe ! Le principe de base est d'une simplicité déconcertante: garder un parfait équilibre entre monnaie émise et quantité de biens et services produits.
Trop de monnaie par rapport aux biens et services produits implique une dépréciation de la monnaie : il faut plus de pièces et billets pour acheter un bien ou service au temps t qu’au temps t-1. C’est ce qu’on appelle l’inflation.
Trop peu de monnaie par rapport aux biens et services produits implique une appréciation de la monnaie : il faut moins de pièces et billets pour acheter un bien ou service au temps t qu’au temps t-1. C’est ce qu’on appelle la déflation.
Ni l’inflation, ni la déflation ne sont bonnes pour l’économie.
En période de forte production de biens et services (bonne croissance du PIB) une légère inflation, parfois même de 5 à 10%, ne pose aucun problème car elle permet à l’argent de circuler et de faire tourner l’économie.
Toute gestion monétaire se résume à ça. En Europe, c’est le rôle de la BCE, aux Etats-Unis, la Fed. Tous les manuels d’économie précisent que les banques centrales ont pour mission d’ajuster l’approvisionnement monétaire au développement économique. Comment se fait-il que les banques centrales du monde entier n’y parviennent pas ?
Tout simplement parce qu’elles ne sont pas seules à créer la monnaie. Depuis une cinquantaine d’années, TOUTES les banques du monde peuvent créer de la monnaie en deux coup de cuillère à pot. Elles le font en accordant des crédits. Bien sûr, les banques sont soumises à ce que l’on appelle des règles prudentielles qui les obligent à ne pas créer plus de dix fois la quantité de monnaie (crédit) que ce qu’elles possèdent comme fond propres (dépôt de leur clients) et de monnaie centrale (BCE).
Nous voici donc au cœur du problème. Nous nous sommes dotés d’une super institution bancaire (banque centrale) supposée autonome, intègre et indépendante qui doit réguler la création monétaire alors qu’elle n’est pas maître des robinets qui ouvrent et ferment l’arrivée des sousous ???
Les banques, dans leur grande mansuétude, ont alloué plus de crédits, donc de monnaie, que l’économie n’était capable de créer de biens et services. Les banques ont donc créé et créent encore de l’inflation ! En Allemagne par exemple, entre 1992 et 2008, la masse monétaire a augmenté 8 fois plus que l’économie.
Mais cette inflation ne se traduit pas par une dépréciation de la monnaie car elle est injectée dans l’économie spéculative et dans les paradis fiscaux. Une économie casino qui ne représente en rien l’économie réelle. Selon Bernard Lietaer, 98% des échanges monétaires journaliers dans le monde servent l’économie casino ! 95% de la monnaie en circulation est scripturale (électronique) et facilement créée par les banques. Seuls 5% représentent l’argent liquide qui relève de la compétence de la banque centrale (pièces, billets et monnaie centrale scripturale).
Tout cet argent accordé à la légère circule donc ailleurs que là où il devrait être. Raison pour laquelle, certains économistes et politiques actuels (Roubibi, Krugman, Pinsole, Marine Le Pen) préconisent d’arrêter de monétiser pour le système et de monétiser directement pour les Etats, les citoyens, l’économie réelle. En voilà une bonne idée ? C’est vrai au fond, pourquoi devrions-nous faire tourner la planche à billet pour un puits sans fond plutôt que pour nous?
Le hic, c’est que dans ce cas (monétisation directe de la dette des Etats), il n’y aura plus stockage dans l’économie casino mais injection directe dans l’économie réelle et on risque fort de déprécier la monnaie! Sauf gestion très fine et délicate, on risque vite d’entrer dans une spirale zimbabwéenne, zaïroise, argentine ou la symbolique hyperinflation de la république de Weimar.
Dans la gestion actuelle de notre monnaie, créée, en fin de compte, par monsieur tout le monde, nous sommes donc face à un sérieux dilemme : soit on monétise pour les riches et l’économie casino mais ça ne résout pas la crise, soit on monétise pour les pauvres et l’économie réelle mais ça dévalue la monnaie ! Une autre alternative, plus simple et qui fait toujours recette, c’est de taxer encore plus les pauvres pour tenter de rééquilibrer les déficits mais ça ne résout pas la crise non plus…
Et donc, plutôt que de revoir notre copie, on persiste et signe dans la taxation et la monétisation. Plus fort encore, on trouve l’idée tellement géniale, qu’on va la graver en lettre d’or sur les tables de nos constitutions ! « Nous, peuples de l’Europe, admettons qu’il est juste et bon de taxer les pauvres et d’enrichir les riches ». Un mal nécessaire. Un aléa moral.
Stop, stop, stop ! Ne pourrait-on pas nous arrêter 30 secondes et réfléchir ? Quel est le problème ? N’est-ce pas la création monétaire par le crédit sans couverture directe en banque ? N’est-ce pas le simple fait de prendre nos rêves pour des réalités ?
Pourquoi ne pas interdire cette pratique et dire aux banques que désormais elles ne pourront accorder de crédit qu’en fonction de leurs fonds propres et/ou de la monnaie centrale qu’elles possèdent en caisse ? Pourquoi ne pas effacer les ardoises des dettes illégitimes et revenir progressivement à la normale ?
Notre système bancaire, économique et monétaire est outrageusement bancal parce que nous prenons nos désirs pour des réalités. Autrefois, il fallait économiser ou posséder l’argent dans les banques pour pouvoir investir.
La solution est donc triviale :
1) Le "Monétatif", un nouveau pouvoir qui viendrait s’ajouter à l’exécutif, au législatif et au judiciaire (également évoqué par James RBERTSON et le sociétalisme), qui règlerait l’émission monétaire par:
2) Le "Vollgeld", un nouveau conceptde création monétaire qui assurerait un contrôle optimum de l’économie puisque piloté en fonction de la croissance économique.
Le Monétatif, sous contrôle citoyen, détiendrait le monopole de la création monétaire par le biais du Vollegeld et ne serait plus uniquement, comme aujourd’hui, responsable de l’argent liquide (billets et pièces de monnaie), mais également de l’agent scriptural qui est aujourd’hui en grande partie créé et mis en circulation par les banques d’affaires.
Le défi se situe bien sûr dans l’élaboration pratique et juridique d’un pouvoir Monétatif sous contrôle démocratique ! Le MES c’est exactement le contraire tout en gardant les dés pipés, de l’octroi du crédit par les banques, qui permettent de fausser le jeu à tous les coups : pile, je gagne, face, je gagne. Tout cela sous prétexte qu’on à pas d’autre choix ???
Eh bien, fort heureusement, en Suisse, il existe ENFIN une initiative digne de ce nom qui prône un changement des dés et des règles du jeu ! L’association «Modernisation monétaire» (MOMO) créée récemment se compose en partie de membres de l’«Initiative pour un ordre économique naturel Suisse» (INWO).
+++
L’INWO débat depuis un certain temps d’une initiative populaire sur une réforme du système monétaire. La création de l’association «Modernisation monétaire» a élargi considérablement le cercle des personnes favorables à cette réforme, notamment à des politiques appartenant à l’UDC et au PLR.
L’association possède un conseil scientifique dont font partie Philippe Mastronardi, professeur à l’Université de Saint-Gall, Joseph Huber, professeur à l’Université de Halle, Hans-Christoph Binswanger, professeur émérite de l’Université de Saint-Gall, Peter Hablützel, Peter Ulrich, professeur émérite, et Heinrich Bortis, professeur. Dans son livre intitulé «Das Geldwesen in öffentliche Hand», Joseph Huber a défini le cadre théorique du débat. Que veulent les initiateurs? Ils ont organisé en mai 2011 à Winterthur un congrès sur le thème «Schweizer Vollgeldreform» et présenté un projet provisoire de texte d’initiative. Nous allons maintenant présenter les grandes lignes du projet.
Lire la suite : Pour une modernisation de la monnaie: le «monétatif» Une initiative demande une réforme monétaire, par Werner Wüthrich
Des mouvements analogues existent également en Allemagne (d’où vient d’ailleurs le terme de «monétatif»), en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis notamment. Les réunions ont montré que les membres de l’association viennent d’horizons politiques très divers. Certains se situent plutôt à gauche ou du côté de l’écologie et d’autres adhèrent plutôt aux idées de l’UDC ou du PLR, mais ils estiment tous qu’il faut agir. On ne peut pas se contenter d’être les spectateurs d’une mauvaise pièce de théâtre, de s’énerver à propos de la situation insupportable et d’attendre qu’elle empire. Que faire? En tant que citoyens suisses, nous avons l’instrument de l’initiative et pouvons aller de l’avant, mais les citoyens des autres pays peuvent aussi faire quelque chose.
Lire la suite : Le «monétatif», une révolution monétaire Une initiative populaire demande l’instauration du Vollgeld, par Werner Wüthrich, docteur ès sciences politiques, Zurich
Binswanger: «Il s’agit fondamentalement de trouver une solution intermédiaire entre l’ancien système de l’étalon-or, dans lequel la création de monnaie était limitée par la convertibilité en or de la monnaie de papier et donc par le volume d’or disponible, et le système monétaire actuel qui permet une création illimitée de papier-monnaie et de monnaie scripturale. Revenir à la convertibilité en or – comme certains le proposent – limiterait excessivement la création de monnaie. Inversement, l’actuel système monétaire dans lequel les banques d’affaires ne doivent disposer que d’une petite fraction de la monnaie scripturale en monnaie de la banque centrale ne permet pas de subordonner la création de monnaie à des objectifs d’économie générale.» Alors que faire? Binswanger envisage deux possibilités:
1. De l’argent couvert à 100% par la banque centrale
«Je propose de revenir à une ancienne idée de l’économiste américain Irvin Fisher qui voulait que chaque crédit accordé par une banque soit couvert à 100% par de l’argent de la banque centrale. Cela empêcherait les banques d’affaires de créer de l’argent de manière illimitée dans le seul but de réaliser des profits. Le capitalisme serait moins instable et moins vulnérable.» On pourrait adopter cette solution sans modifier la Constitution, dans le cadre des lois existantes. En Suisse, les réserves minimales sont fixées dans la Loi sur la Banque nationale.
2. Introduction du «Vollgeld»
La proposition va plus loin. Une banque d’affaires qui veut accorder des crédits doit tout d’abord se procurer cet argent auprès de la Banque nationale sous forme d’argent liquide et non de monnaie scripturale. Ainsi, les banques d’affaires n’auraient plus la possibilité de créer elles-mêmes de l’argent en accordant des crédits. Les initiateurs du Congrès appellent cette nouvelle forme d’argent «Vollgeld». Une telle réforme nécessiterait une modification de la Constitution. L’actuel article 99 stipule que seule la Confédération a «le droit de battre monnaie et d’émettre des billets de banque». Il faudrait donc ajouter l’argent scriptural et préciser qu’il relève exclusivement de la compétence de la Banque centrale.
Lire la suite : «Les crises financières et écologiques ne peuvent pas être maîtrisées sans réforme financière et monétaire» par Werner Wüthrich (excellent article !)
Et enfin : Les citoyens ont leur mot à dire à propos des questions monétaires fondamentales par Werner Wüthrich