[Extrait du livre Le néolibéralisme ? Un très vieux système…
Pourquoi faut-il le combattre ?..., Junon MONETA]
Pour Adam Smith, plus les capitalistes divisent les tâches, plus ils créent des richesses. La révolution industrielle s'explique donc par le développement de ce mode d'organisation. C’EST TOTALEMENT FAUX.
1. La division du travail est antérieure à la révolution industrielle, elle est même à l’origine de l’homme et de sa survie.
2. La révolution industrielle et ses richesses est bien plus le fait du génie humain que de la division du travail.
3. La division du travail au sens de Smith est essentiellement verticale, or celle-ci sert le système et la productivité plutôt que l’humain.
1. La division du travail est antérieure à la révolution industrielle, elle est même à l’origine de l’homme et de sa survie.
La division du travail est un inné de l’Humain grégaire pour faire face à une nature hostile. L’homme n’aurait pas évolué de façon aussi remarquable s’il n’avait pas eu cette capacité de positionner ses propres perceptions par rapports à celles de ses semblables.
Il a donc tout naturellement respecté et intégré les différences de sensibilités, de réaction, d’action et d’expérimentations de ses semblables par rapport à sa propre individualité. En d’autres termes, il a pris conscience de lui-même et des autres comme des sujets pensants et agissants ; il a donc introduit la division du travail de façon naturelle en laissant à chacun et à chacune le soin de se positionner par rapport au groupe et à l’objectif commun : d’abord la survie.
2. La révolution industrielle et ses richesses est bien plus le fait du génie humain que de la division du travail.
La révolution industrielle a trouvé ses racines dans le patrimoine incorporel des nations qui avaient développés des connaissances de plus en plus pointues (notamment en mécanique). La richesse d'une nation évolue en fonction de l'éducation, de la formation, de l'apprentissage et de la multiplicité des nouvelles expérimentations.
La révolution industrielle, c'est la victoire du bricoleur artisan bien plus que la victoire de l'intellectuel; les deux étaient indispensables et ils ont collaboré avec passion dans des hangars plutôt que dans des bureaux, mais jamais dans le système oppressif des usines. Très souvent ils ont même réussi en l'absence de financiers sans imagination. Quand ils échouaient, ils recommençaient. Les fonctionnaires, les gestionnaires et l'État n'ont rien de commun avec les inventeurs et les innovateurs; plus ils sont pesants, plus la Société devient pesante.
3. La division du travail au sens de Smith est essentiellement verticale, or celle-ci sert le système et la productivité plutôt que l’humain.
Pour mémoire, la division verticale, c’est le système préconisé par Adam SMITH puis appliqué et étendu par TAYLOR (Taylorisme) et FORD (Fordisme). La division verticale du travail correspond à une décomposition du processus de production en de multiples tâches partielles, cette décomposition ayant pour but une plus grande efficacité. Le principe est de « découper » l’exécution d’une tâche en plusieurs opérations, les plus élémentaires possibles. Chacune de ces opérations est confiée à un ouvrier à qui on demande de faire toujours le même geste. Taylor préconise de pousser le plus loin possible cette parcellisation du travail, il faut retirer du travail d’exécution toute réflexion, tout savoir-faire. La division verticale, c’est l’utilisation de l’humain comme une machine, et en concurrence permanente avec les machines (Cfr. « Les temps modernes » de Charlie CHAPLIN).
La division horizontale du travail est un système qui fait appel aux compétences acquises et qui permet à chacun(e) de les développer au sein d’une même profession ou d’un même métier, grâce à des programmes de formation et à une mobilité professionnelle régulière. Une division horizontale permet d’exercer et de progresser dans un métier : le bois, le fer, la pêche pour les économies peu « développées » ou les nouvelles technologies, l’industrie ou le bâtiment pour les économies plus spécialisées. La division horizontale, c’est l’accomplissement et la reconnaissance de l’humain dans son travail.
La division du travail, dans les Société préindustrielles et même dans les manufactures, était une division essentiellement horizontale, avec une multitude de spécialités (métier de la pierre, du bois, du verre, de la viande) au sein des quelles il était nécessaire de se former pour pouvoir progresser. Il y avait bien sûr les spécialités amont et les spécialités aval, mais finalement chaque corps de métiers permettait à l'humain concerné de maîtriser toutes les étapes du travail final. Le charpentier, par exemple, n'hésitait pas à se déplacer dans la forêt pour choisir « son » arbre, et il en suivait tout le processus de transformation depuis la coupe jusqu'à la scierie pour obtenir la qualité souhaitée (un cintrage particulier).
L’humain restait un artisan au contact de la matière qu’il avait choisi de transformer, grâce à des outils qui facilitaient sa perception sensible et stimulaient son imagination. Sans ces innombrables « oubliés de l’Histoire », nous serions toujours dans les grottes ; la division du travail, au sens de Smith, n’a rien à voir avec tous ces progrès car toutes les victoires de l’humain on été acquises dans un système de division horizontale, et non pas dans un système de division verticale.
Avec la révolution industrielle, ses premiers fours à coke et ses premières machines à vapeur, la division du travail devient rapidement un problème crucial. Les premiers gestionnaires (les gros commerçants, les propriétaires terriens et les banquiers) en prennent conscience mais dès leur apparition, les relations entre le patronat et les ouvriers se détériorent. Il ne faut pas perdre de temps à former les ouvriers: plus on découpe les tâches moins on doit communiquer avec eux, et moins on perd de temps, et donc sans perdre d'argent. « Time is money ».
Avec cette organisation du travail, l'Humain devient lui-même une machine qui répète toute sa vie les mêmes gestes sans aucune sensibilité avec la matière et les outils. En perdant toute sensibilité et toute conscience de ce qu'il fait, il perd tout contact avec son imaginaire et son intuition. En bref, il est coupé de sa dimension humaine.
De plus, cette organisation le coupe définitivement des autres et restreint les possibilités d'intégration sociale, indispensable à l'instauration d'une paix intérieure (satisfaction du travail accompli, émerveillement devant les réalisations complexes) et d'une paix extérieure (relations au sein de la famille, ou relations avec les autres au sein de la Société).
En réalité, le taylorisme a pratiquement disparu en Europe (et aux États-Unis) parce que les humains concernés ont répondu au mépris dont ils étaient victimes: les grèves, les sabotages et la passivité ont été les réponses à ce système de tout son contenu: le salaire à la pièce, le travail des enfants, les horaires démesurés, l'absence de congés, les machines dangereuses, les accidents de travail, les locaux insalubres, les maladies professionnelles…
Le taylorisme est en voie de disparition dans les pays développés mais il s'impose dans les pays à bas salaire. Au nom de la "mondialisation heureuse", les multinationales découpent les tâches, toujours verticalement pour mieux sous-traiter ailleurs (paradis sociaux et juridique).