Bretton Woods II, le nouveau leitmotiv du G8 et "associés" qu'il n'est décidément plus possible d'ignorer. Nombres d'articles foisonnent sur le Net et ailleurs pour vanter les mérites de la mobilisation Européenne et Transatlantique face à la crise financière. Les articles ne manquent pas d'envolées lyriques et d'éloges sur la solidarité occidentale ou la force de mobilisation des gouvernements concernés. Climat, emploi ou biodiversité sont certainement moins sexy que la crise financière aux yeux d'Eurocrates élevés à la grosse louche de l'orthodoxie néolibérale.
Les démonstrations d’activisme sont évidentes mais elles sont bien plus une démonstration de recours obligatoire que de solidarité ! Les États Européens se mobilisent parce qu’ils n’ont pas le choix ! C’est pourtant eux qui ont fermé les yeux et qui ont laissé filer la haute finance à un ballet de fantaisies aussi cyniques que dangereuses.
Reprenons ici un passage d'un article (1a) paru dans le Monde: "N’est-ce pas là un parfait exemple de ce que la théorie économique appelle le "risque moral" ? Ce dernier se définit comme "le risque que quelqu’un agisse de manière immorale parce qu’il se sait protégé par les assurances, les lois ou d’autres institutions contre les préjudices que son comportement pourrait sinon engendrer". Autrement dit, si je suis assuré contre les incendies, je prendrai moins de précautions contre le feu (ou, à l’extrême, je mettrai même le feu aux bâtiments que j’ai assurés mais qui génèrent des pertes). La même chose vaut pour les grandes banques : ne sont-elles pas protégées contre les grosses pertes tout en étant capables de conserver leurs profits ?"
- Sinon, comment expliquer le revirement du discours du président Sarkozy ?
- Sinon, comment expliquer que l'État, représentant la société, est obligé d’emprunter et de rembourser avec intérêt à des banques représentant des intérêts privés ? DOGME 4 & DOGME 5
- Sinon, comment expliquer de telles dérives au nom d’un libéralisme prétendument "autorégulé" ? Cfr. DOGME 1 & DOGME 6.
Tant de vies, de travail et de ressources naturelles sacrifiées sur l’autel de la cupidité et de l’individualisme humain est inadmissible et mériterait une traduction en justice de nos "haut" responsables politiques qui n’ont de haut que l’arrogance, l’hypocrisie et l’obscurantisme dont se fardent la grande majorité de leurs discours.
A quand une véritable réforme Économique, Monétaire, Judiciaire et Électorale ? Intégration de la valeur d’usage dans nos indicateurs de richesses. Suppression des paradis fiscaux. Suppression des produits dérivés de la Haute Finance. Législation stricte et répressive en matière de lutte à la fraude fiscale et monétaire. Instauration d’un système électoral juste pour une véritable démocratie et non une démocratie de façade complice de la ploutocratie (Agrocarburants, Plan Colombie, Tibet, Tchad, Nigeria, Irak, Base militaire US en Tchécoslovaquie, OGM, privatisation de l’eau, etc.). Les sites www.michelcollon.info, www.congoforum.be et www.liberterre.fr sont assez bien fourni en faits d’hypocrisie occidentale.
Bretton Woods II ne changera rien à la donne sans totale remise en question tant au niveau individuel qu’au niveau institutionnel avec une refonte totale de notre conception de la richesse, de notre système de rémunération, de notre système électoral et de notre système judiciaire.
Trois exemples pour illustrer cette nécessité de réguler et de sérieusement légiférer en la matière.
(1) Selon le Sunday Herald, la Royal Bank of Scotland, un des "joyaux" de l’économie écossaise, détient une participation importante dans au moins 128 entreprises situées dans des paradis fiscaux, d’après son bilan annuel (62 aux îles Caïman, 29 à Jersey, 11 à Guernesey, 7 dans les îles Vierge et 4 aux Bahamas, entre autres). Certaines sont réputées en sommeil mais d’autres sont bien actives. Et l'article du Sunday Herald de conclure: "Il semble tout à fait déplacé que des banques financées par le contribuable s’arrangent pour ne pas payer d’impôts et aident leurs clients à faire de même. Il est temps que nos banques retrouvent leur honnêteté. La condition pour que nous continuions à payer pour sauver des institutions financières, c’est qu’elles acceptent de payer leurs impôts comme tout le monde."
(2) Selon Test Achat, Fortis compte 410 filiales ou sociétés-filles dans les paradis fiscaux aux îles Caïman, Bahamas, Barhein, Costa-Rica, Panama, Hong Kong, Singapour, Luxembourg, Suisse, Jersey, Guernsey… Soit un nombre près de 10 fois supérieur aux autres grandes banques de leur échantillon. Dexia 49, KBC groep 33 et ING 16.
(3) Des innocents perdent leurs emplois, leurs maisons, leurs pensions ou leurs investissements. Pendant ce temps, à chaque faillite bancaire, des directeurs bien payés ont peu d'idée de la valeur des avoirs de leur société, de leurs dettes, des coûts, des bénéfices et de la réelle santé financière. Tout cela est accompagné d'un grand silence, celui des bureaux d'audits, chargés de superviser les bilans des sociétés… Ils ont récolté de grosses sommes pour ce travail et dispensé des bulletins de santé financière complètement "clean". Ainsi Dexia a été auditionné par Price Waterhouse Coopers et Mazars et Guérard qui lui ont décerné en 2007 un parfait bulletin de santé (page 221). Les auditeurs ont reçu 1, 5 millions d'euros pour leur travail, dont 1,4 millions pour un travail de conseil. Fortis avait reçu un bulletin identique de parfaite santé des cabinets KPMG et Price Waterhouse Coopers. Ces sociétés avaient reçu 37 millions d'euros pour ce travail (page 126), dont 11 millions d'euros pour conseil.
Au service de qui est l’Europe ? Du peuple ? Ou de la Haute Finance ? La république soviétique socialiste n’a-t-elle pas cédé la place à une république Européenne capitaliste ? De la botte du parti à la botte de la haute finance, où est la différence ?
Notes
(1a) Lutte des classes à Wall Street, par Slavoj Zizek, LeMonde 9/10/2008 http://mobile.lemonde.fr/opinions/article/2008/10/09/lutte-des-classes-a-wall-street-par-slavoj-zizek_1104997_3232.html
(1) http://www.sundayherald.com/news/heraldnews/display.var.2463296.0.wish_you_were_here.php
(3) Kairos Europe (Wallonie-Bruxelles), courrier 22 d'octobre 2008, page 7.