A l'heure actuelle on parle beaucoup de décroissance ou d'optimisation énergétique. On en parle surtout pour les énergies fossiles mais beaucoup moins pour l'agriculture ou l'élevage intensif. Comme par hasard, comme pour le trafic aérien personne n'en parle. Pourtant, la somme de ses effets néfastes est tantôt plus importante que la pollution industrielle ou automobile.
Dans l'industrie, l'habitat ou les transports on parle d'une réduction ou d'une optimisation d'un facteur quatre. Pour la viande, il nous suffirait de réduire notre consommation de 10% pour fortement réduire voire annuler la faim dans le monde. Face à un tel enjeu, pourquoi les végétariens font-ils doucement sourire? Ils devraient en réalité être portés en exemple au même titre que ceux qui proposent des alternatives viables à la démesure du système actuel. Nous nous attaquons au Goliath des énergies fossiles alors qu'en tant que consommateur final il serait bien plus simple de renoncer de façon unanime et solidaire à notre morceau de steak une fois de temps en temps pour constater un changement positif radical. Il n'y aurait plus de famines, moins de problèmes environnementaux, moins d'ennuis de santé et moins de gouffres financiers. Pas convaincus? Abordons donc le sujet selon différents points de vue.
Rentabilité
Dans notre monde mercantile et monétaire qui cherche à toujours maximiser le profit, l'élevage représente un réel paradoxe. Pour une même surface il est possible de produire 16 fois plus d'aliments végétaux que d'aliments animaux. En quoi le profit est-il maximisé en produisant moins avec des facteurs de production équivalents? En terme de calories, le rapport végétal animal est de 7. En terme de kilos de protéines, le rapport est de 9. Enfin, il faut 100 fois plus d'eau pour produire 500 grammes de bœuf que pour produire 500 grammes de tomates. Alors pourquoi cet acharnement? Parce que l'économie répond à la loi de l'offre et de la demande. Homo-mandibulus est demandeur, il a le pouvoir d'achat et donc peu importe les moyens ou les conséquences, dans son monde libéral à sens unique il aura toujours satisfaction.
Equitable
La production de viande - et agricole pour une bonne part - ne se maintient en Europe ou aux USA que grâce aux subsides, aides directes ou autres. Ces aides induisent des distorsions de marchés aux conséquences structurelles et humanitaires désastreuses. Désertion des campagnes, prix mondiaux au rabais, culture d'exportations privilégiées au détriment de cultures vivrières, anéantissement de l'agriculture paysanne, destruction du milieu et du paysage, sont autant d'élément qui gangrènent et stigmatisent l'inébranlable polarité riche pauvre. Pour fixer les idées, on estime actuellement à plus de 2 euros les subsides accordés en Europe par tête de bétail et par jour. Soit un peu plus que le revenu journalier des 2/3 de la population mondiale. Autre comparaison intéressante, le budget de la politique agricole protectionniste de l'Europe (PAC) est à peu près deux fois supérieur au montant annuel des exportations agricoles africaines (références 1 & 2).
Alimentaire
La plupart des peuples, depuis des millénaires, associent pour le plus grand bien de leur santé céréale et légumineuse: en Inde, riz et lentilles ; en Afrique du Nord, couscous et pois chiches ; au Mexique, maïs et haricots ; en Chine, riz et soja, etc., la viande n'étant utilisée que comme complément. Seuls les occidentaux utilisent la viande comme plat de résistance quotidien ou biquotidien(3). Le bétail des pays riches mange autant de céréales que les indiens et les chinois réunis (moitié de la population mondiale). A côté de cela, dans le monde, une personne meurt de faim toutes les 2 à 3 secondes.
Environnemental
L'eau et les sols sont contaminés par tous nos intrants agricoles qu'ils soient d'origine animale (lisier) ou chimique (engrais et produits phytosanitaires). Nos fleuves et nappes phréatiques sont devenus de vastes poubelles emplies de substances toxiques. Le taux de nitrates dans l'eau qui devrait rester inférieur à 50 milligrammes par litre est largement dépassé dans toutes les régions de l'industrie agro-alimentaire. La pollution par les nitrates est causée par les déjections animales et l'épandage d'engrais azotés qui rendent nos campagnes puantes et irrespirables.
Il y a pollution de l'atmosphère également puisque le cheptel bovin qui compte à lui seul 1 milliard 300 millions de têtes rejette chaque année 100.000 tonnes de méthane (CH4) dans l'atmosphère, molécule 23 fois plus puissante que le CO2 pour l'effet de serre. A ce propos, les engrais sont aussi responsables d'émissions de protoxyde d'azote (N2O), gaz 300 fois plus puissant que le CO2. L'agriculture et l'élevage industriel contribuent pour 1/4 à l'effet de serre (même proportion que pour l'automobile).
Partout dans le monde on sacrifie des forêts millénaires aux pâturages. Depuis 1960, on a coupé et brûlé 25% des forêts d'Amérique centrale afin de créer des pâturages pour le bétail. D'après une estimation, 100 grammes de hamburger provenant du bétail de ces bois, détruit 16,5 m2 de forêt tropicale. Quand on sait qu'un Mac Donald produit 25 millions d'hamburger par jour, cela fait 125 km2 de forêt humide en moins par jour. A ces sanctuaires de beauté et de biodiversité succèdent des espaces vert certes mais combien plus pauvres et tristes?
Ethique
L'élevage avec l'inhérent objectif de productivité et de rentabilité est devenu intensif. Ce qui implique que les animaux sont "élevés" ou plutôt entassés et gonflés dans de véritables mouroirs. L'espace alloué à chaque animal est proportionnel à la taille de son corps. Les mouvements les plus dérisoires et les plus indispensables comme se tourner, se coucher, se gratter, deviennent impossibles et ceci pendant des mois, pendant une vie! L'élevage en batterie nie l'existence de l'animal en tant qu'être sensible et ne respecte pas les besoins physiologiques élémentaires de centaines de millions d'êtres vivants. Les animaux vivent dans l'obscurité. Ils sont mutilés à vif on coupe les cornes des vaches, les canines des porcelets, les becs des volatiles, on castre tous les mâles. Tout cela pour éviter tout débordement ou cannibalisme. Du début à la fin de la chaine de production (élevage, transport, attente, abattage) l'animal est torturé, mutilé et souffre de manière inexprimable. Pourquoi s'offusquer puisque notre seul but est de produire de la viande?
Il faut savoir qu'actuellement, 9 porcs sur 10 sont élevés industriellement, 9 veaux sur 10 proviennent du secteur intensif et sur 100 oeufs consommés, 95 sont pondus en batterie. Si vous n'êtes pas convaincus, je vous suggère de visionner cette vidéo:
http://video.google.fr/videoplay?docid=4093730216074063220
Sanitaire
Aujourd'hui on sait enfin que l'élevage intensif a aussi pour revers de médaille l'aspect sanitaire. Dans ce type d'élevage, toutes les conditions son réunies pour permettre tant la propagation que l'émergence de souches à mutation rapide. Les possibilités de multiplications sur un grand nombre d'animaux, concentrés et immunodéprimés par leur conditions d'élevages sont en effet optimales(4).
Outre cet aspect, les techniques d'élevage - et d'agriculture - moderne ne vont pas sans la panoplie classique de l'agro-industrie et des biotechnologies. Pesticides, herbicides, engrais et manipulation génétiques en amont pour traiter et booster la croissance des plantes fourragères. Antibiotiques, hormones de croissance et anabolisant en aval pour traiter et booster la croissance de la viande. Les hormones peuvent augmenter la masse corporelle d'un animal d'un peu plus d'un tiers. C'est bien évidemment dans ce cadre que notre économie capitaliste s'y retrouve. La production et la commercialisation de toutes ces substances engendrent un négoce juteux faisant parfois l'objet d'un véritable trafic mafieux. Les experts scientifiques protégeant l'élevage aux hormones ont souvent des intérêts financiers dans les laboratoires produisant des anabolisants. Ce cas de figure se retrouve aussi pour les antibiotiques avec les firmes pharmaceutiques et pour les engrais, fertilisants ou produits phytosanitaires avec les firmes de l'agro-industrie.
Pour terminer, cerise sur le gâteau, nous n'avons rien trouvé de mieux que de nourrir des herbivores ou granivores comme des carnivores, pire, comme des charognards. L'alimentation pour l'élevage en batterie est en effet composées de cadavres pulvérisés (poussins broyés, animaux de ferme malades, chats et chiens euthanasiés, animaux de laboratoire, etc.). Ces farines animales reconnues responsables de la maladie de la vache folle (encéphalopathie spongiforme bovine) ont été interdites pour les ruminants mais elles sont toujours utilisées pour les porcs, les volailles et les poissons d'élevage.
En fin de compte, à la fin de la chaîne alimentaire, l'homme ingère, digère et assimile toutes les hormones, antibiotiques et substances qu'il a pu administrer au bétail ou à la volaille. Il ingère aussi toutes les toxines associées au stress, à la douleur, la peur et la détresse de ces animaux élevés et abattus dans des conditions pitoyables. En Europe, 70% des antibiotiques mis sur le marché sont donnés aux animaux industriels. L'Institut National Agronomique a calculé il y a quelques années qu'un français absorbait en moyenne par an mille cinq cents grammes de produits chimiques divers. Des expériences ont montré que l'angoisse suscitée chez un porc par l'audition des cris de ses congénères menés à l'abattoir, provoque le passage des colibacilles de l'intestin dans le sang et les muscles, rendant la viande impropre à la consommation.
En un mot comme en cent, quelque soit le point de vue sous lequel on l'aborde, rentable, équitable, alimentaire, environnemental, éthique ou sanitaire, manger de la viande en grande quantité, avec pour corollaire l'élevage industriel du mode vie occidental, est criminel et contribue activement aux problèmes économiques, sociaux et écologiques de notre planète. La consommation de viande telle que nous la connaissons est une abomination sans nom dont nous n'avons pas fini de mesurer les conséquences.
Qu'on ne s'y trompe pas, il n'a point été question ici du procès des éleveurs ou de nos pauvres ruminants ou volatiles mais bien des pratiques de notre société de consommation industrialisé à l'excès. Car si nous devons apprendre à consommer moins d'eau, d'électricité ou de produits en tout genre, nous devons aussi apprendre à consommer moins de viande. Apprendre à respecter la vie et à privilégier les petits producteurs responsables, proche de la terre et de leurs bêtes.
Références
(1)http://www.cidse.org/docs/200505230942364749.pdf?&username=guest@cidse.org&password=9999&workgroup=&pub_niv=&lang=&username=guest@cidse.org&password=9999
(2)http://citim.info/article.php3?id_article=209&astm_lang=fr
(3)http://terresacree.org/viande2.htm
(4)www.grappebelgique.be/article_pdf.php3?id_article=177