Pour cette guerre, les Etats-Unis dépensent 16 milliards de dollars par mois, soit l'équivalent du budget annuel de l'ONU. Joseph Stiglitz et Linda Bilmes indiquent que les 3 000 milliards de dollars auraient pu financer la construction de 8 millions de logements, 15 millions de professeurs, les soins de 530 millions d'enfants, des bourses d'études pour 43 millions d'étudiants, offrir une couverture sociale pour cinquante ans aux Américains.
Le livre analyse l'ensemble des postes de dépenses, en comprenant tous les soins donnés aux nombreux blessés de la guerre, et d'autres éléments mal connus parce que cachés, que les auteurs ont pu obtenir uniquement en s'appuyant sur leur notoriété. Il montre également les mensonges permanents de l'administration, ceci dès le début de la guerre. Le vice-président estimait alors qu'elle pouvait être payée très vite par les bénéfices provenant de la vente du pétrole irakien.
Les auteurs font apparaître un autre phénomène, particulièrement significatif de la réalité de la crise politique aux Etats-Unis. Les 3 trillions de dollars qui manquent au budget correspondent en gros aux coûts estimés de la crise du subprime et autres manques à gagner en chaîne. Cette crise économique aurait pu être évitée si l'argent public consacré à la guerre avait été dès le début utilisé pour favoriser l'investissement productif civil. Mais aujourd'hui, l'Amérique devra faire face à un "découvert" de 6 trillions de dollars. Qui paiera? Aussi robuste que soit son économie, ce ne seront pas les épargnes internes. Faudra-t-il faire appel aux fonds souverains des pays du Golfe? Ce serait une bien mauvaise nouvelle pour l'indépendance américaine au regard de la lutte que mène par ailleurs le pays contre les fondamentalistes islamiques. Curieusement, note Joseph Stiglitz, les candidats à l'élection présidentielle n'envisagent aucune solution sérieuse, ni pour arrêter la saignée de la guerre qui va s'amplifier encore, ni pour rendre l'économie plus résiliente. La perspective d'un effondrement du dollar et avec lui l'extinction des dettes paraît à certains la seule porte de sortie. Mais les plaies, aux Etats-Unis comme dans le reste du monde, seraient immenses.
Tout ceci conduit à s'interroger (vieille interrogation il est vrai). Comment un pays supposé gérer de façon intelligente, sinon scientifique, peut-il se laisser entraîner dans de tels pièges? Aveuglement, incompétence? Nous répondrions pour notre part volonté délibérée du lobby militaro-industriel. Ces trillions de dollars sont allés dans les poches de quelques uns, n'est-ce pas?
JPB. 28/02/08
Plus d'informations:
http://www.timesonline.co.uk/tol/comment/columnists/guest_contributors/article3419840.ece
http://www.democracynow.org/2008/2/29/exclusive_the_three_trillion_dollar_war